Jean Mouchès, le drôle d’oiseau
Vraiment, se mettre en scène pour la pochette de son disque est parfois étonnant. Ici, le chanteur pose habillé dans une mare, devant deux ordinateurs tout trempés et deux oies qui s’amusent comme des folles. Vous allez me dire, rien que le titre de cet album est bizarre : Chansons de vent, de plumes et de broussailles. C’est l’album tout beau tout neuf de Jean Mouchès, « littéraire et inspiré comme l’ont qualifié certains, tripolaire et déprimé comme il se qualifie lui-même ». Dans l’envoi, avec le disque, une authentique plume d’oie, « essentiellement destinée aux journalistes de le presse écrite » bien que l’écriture à la plume soit fastidieuse et salissante. Poursuivons donc sur un ordinateur tout sec.
On peut s’intéresser à la chanson et ne pas connaître du tout, Jean Mouchès. C’est dommage. Mouchès est un peu ermite, confiné dans ses Landes de Gascogne. Les douze chansons de ce nouvel album (le neuvième, si je compte bien) semblant se calculer comme un calendrier. Pour vous dire, le mois de décembre nous instruit de La Vengeance du pangolin : « Si, par hasard, tu le manges / De sa façon simple il se venge / En te faisant, le plaisantin / Une farce de pangolin ». Faisons remarquer à Mouchès que la dite farce se déguste toute l’année, même deux, même trois. Avril est Printemps silencieux, qui se présente façon chansonnette moyenâgeuse, harpe et hautbois de rigueur : un petit délice. Mai est plutôt country, qui s’amuse des surprises de la vie. Exemple : « Tu trouves cette mélodie / Et ton talent te grise / La vie réserve des surprises… Tu t’aperçois que Guy Béart l’avait écrite avant ! / La vie réserve des surprises / Décidément. » Bon, on ne va pas vous passer ici toute l’année en revue, mais Juillet, à la musique tropicale, pourrait s’inscrire sans mal dans la collection de chansons sur Lavilliers, à qui, comme chacun sait, tout est arrivé : « Ma vie est / Lavié / Lavié, Mavié, Ma vie est un conte de fée ». En septembre, Mouchès se fait gardien de la Terre, chargé du jardin d’Eden, et fait pousser l’humanité : tâche à plus que plein temps, quelque soit le temps, éprouvante, car « Apocalypse et pandémie / Colère du Père éternel / Dans le ciel les anges en furie / Entonnent du Patrick Bruel » !
On vous laisse découvrir les autres mois qui, du coq à l’âne, des oies aux ordinateurs de la pochette, du vent aux broussailles, de plomb et de plumes, vont de-ci de-là, d’un sujet l’autre, avec à chaque fois une pointe d’incongru, de fantaisie, de sérieux qui se pare des atours de l’absurde. C’est du Mouchès, qui, comme chacun sait, ne s’attire pas avec du vinaigre. Un opus plaisant, musicalement excellent, à mille lieux du tout venant de la chanson : c’est pas demain la veille, bon dieu, qu’on l’entendra sur Inter ou RTL !
Jean Mouchès, Chansons de vent, de plumes et de broussailles. Canicule productions 2021. Le site de Jean Mouchès, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Ah Jean Mouchès! Quel plaisir toujours renouvellé face à cet esprit si fin, cette poésie cocasse, cette imagination fertile et ce je ne sais quoi de si délicieusement « terroir » (sans être confiné!). Je crois que sur les neuf j’en ai six, c’est un bonheur pur, un petit trésor de mots, un Précieux vrai de vrai! En plus il est de Mugron et j’ai passé mon enfance à Grenade-sur-l’Adour, ça doit rapprocher… voilà…
J’ai toujours un album habillé de bois de Jean Mouchès :
« De plus en plus de chanteurs s’efforcent de faire de leur album un bel objet. Déjà en 1996 Fred Radix produit un CD qui fait râler les collectionneurs normatifs : une pochette cartonnée joliment coloriée et calligraphiée de format quinze sur quinze qui ne tient pas dans les rayonnages ! En 1998 Jean Mouchès présente un album ( La Malédiction du Caméléon), distribué par Scalen, dans un coffret au format, mais en bois… »
La Chanson de Proximité (suite)
Ah le Caméléon en bois, Michel, quelle époque n’est-ce pas ?!
Oui, un coffret en bois.
En pin, exactement. En pin des Landes… Son pays.
L’ami Mouchès était déjà partisan des circuits courts…
Je l’ai aussi, ce disque.
« La malédiction du caméléon », quelle chanson ! Je n’oublie pas: « les questions que chacun se pose ou devrait se poser »…