Stavelot 2021. Gérard Pierron, la tradition a du bon
Abbaye de Stavelot, « Une chanson peut en cacher une autre », 29 octobre 2021
A Stavelot, on apprécie l’éclectisme ! Alors que le premier week-end nous a permis, avec Garance et Marion Roch, de faire connaissance avec la relève de la chanson française, c’est ce soir à un baladin relevant de la tradition que revient l’honneur d’occuper les tréteaux. Pour le seconder, pas de beatbox ni de synthés, mais deux belles pointures : la gracile Nathalie Fortin au piano et l’impressionnant Patrick Fournier à l’accordéon (et à la gapette). L’un comme l’autre accompliront leur tâche avec brio, soulignant et mettant en valeur la prestation du chanteur, sans jamais l’écraser ni gêner l’écoute. Avec une retenue qui n’a d’égale que leur talent.
Il faut dire que l’artiste qu’ils entourent n’est pas de ceux qui cherchent la lumière à tout prix. Gérard Pierron, 76 ans depuis peu, semble cultiver la discrétion comme d’autres leur jardin. Une magnifique carrière consacrée à la mise en musique et à l’interprétation de poètes bien souvent exclus des cercles de la notoriété. Pour un Raymond Queneau ou Blaise Cendrars, combien de Louis Brauquier, d’Eugène Bizeau, d’Emile Joulain ou de Pierre Moussarie ? Sans oublier, bien évidemment, celui dont il est et reste le plus grand apôtre, le trop méconnu poète anarchiste Gaston Couté (un coffret de 3 CD pour 55 chansons regroupe l’ensemble des morceaux Couté-Pierron). A coup sûr, le patrimoine français lui est infiniment redevable !
C’est donc sans tralala que Gérard Pierron entre en scène. Bonnet sur la tête, en jean et veste de velours, il est tel ces petites gens mis en valeur dans ses chansons. Ses premiers mots sont d’ailleurs pour féliciter et remercier les artistes qui l’ont précédé sur scène, avant d’immédiatement nous présenter les deux comparses qui l’accompagnent. Des paroles pleines de respect et d’attention, comme on en entend rarement. Puis il se lance, débutant le concert par un titre de nostalgie : « Ménilmontant, la belle côte / A grimper quand on a vingt ans / De mon âge il faudrait qu’on m’ôte / Aubépine de mon printemps ». L’émotion est immédiate et ne nous quittera pas de tout le concert.
Au menu, des textes de nombreux auteurs, avec une prédilection pour Gaston Couté bien sûr (Les mangeux d’terre, La Toinon, Petit porcher) et pour Allain Leprest, mis en vedette à quatre reprises (Good-bye Gagarine, leur toute première collaboration, Où va le vin quand il est bu ?, Le sabotier et leur ultime travail commun, Le doute). Des chansons parfois patoisantes (mais toujours compréhensibles), parlant d’un monde paysan disparu, des Filles de la Louère ou des plaisirs de la vigne. Des tranches de vie, des morceaux d’humanité, des témoignages d’un temps révolu. De la poésie sans esbrouffe mise en musique avec délicatesse. De la chanson qui réchauffe, qui partage, qui compassionne.
Bien sûr, la voix de Gérard Pierron n’a plus la clarté d’autrefois et, sa mémoire lui a fait défaut à quelques reprises (c’est cela, le spectacle vivant !). La chaleur de son interprétation est par contre intacte. Le public, qu’il soit novice en la matière ou pierronophile averti, ne peut résister à la générosité de l’artiste, et lui réserve un accueil enthousiaste. La prestation se termine sur La Paysanne, de Gaston Couté, au refrain utopique et antimilitariste : « Marchons, marchons en des sillons plus larges et plus beaux ! » Après une telle soirée, pourquoi ne pas y croire ?
Le facebook de Gérard Pierron, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Gérard Pierron, Good Bye Gagarine
Le site d’Ivan Tirtiaux, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Ivan Tirtiaux aux Octaves 2021, L’Oasis
Artiste précieux et rare à retrouver dans le merveilleux « sillons sillages » dont on retrouve le lien de la chronique en fin d’article. Comment le remercier d’un si beau répertoire ?