Pierre Antoine, phénix de la ville rose
Ça fait déjà quinze ans qu’il se produit en scène, on ne parlera pas donc d’un jeune chanteur. N’empêche, c’est son vrai premier album. Lui, c’est Pierre Antoine. Longtemps son blase fut associé à celui d’Anael Miller : le duo a même deux albums a son actif, dont le second, À la santé du pire, est millésimé 2013.
Le titre était comme prémonitoire : le duo artistique (et le couple à la ville) qu’ils formèrent n’est plus et voici que Pierre Antoine nous revient par un album auquel on pouvait ne plus croire. Le voici et l’attente est joliment récompensée.
Ce retour est effectif depuis quatre ou cinq ans. Avec pour épicentre Le Bijou, microprocesseur toulousain de la chanson, qui lui a remis le pied à l’étrier. Limitant sa sphère au local et alentours, Pierre Antoine se dit « chanteur en circuit court », se produisant pour beaucoup chez l’habitant, la plupart du temps au piano, par défaut à la guitare. Il étrenne ces derniers temps un piano-violoncelle avec Eugénie Hursch, une des cordes de Simon Chouf et de Lise Martin.
Ce retour est donc accompagné de ce nouvel et premier opus à la fois. La chanson-titre est étrangement reprise du second album en duo avec Anael Miller : il s’était toujours dit que ce serait un beau jour le titre de son album. De fait, ça l’est.
La première surprise, qui plus est de taille, c’est cette voix sur le disque, qu’on ne lui connaissait pas vraiment. Il la contenait avant pour s’ajuster au mieux avec celle d’Anael. Là, c’est lâcher-prise : une voix nougaresque s’offre à nous, très couleur locale me direz-vous, mais si Toulouse y est pour quelque chose, c’est à la marge, un mimétisme qui accentue la voix naturelle de Pierre Antoine…
C’est un bel album, d’une grande sobriété. Qui, dans l’épure, nous montre qui est Pierre Antoine, ce qu’il vaut. Et c’est plus que probant. Auteur, compositeur et interprète, Antoine coche toutes les cases. Ses paroles nourries rencontrent chaque fois la jolie musicalité de ses compos : « De ce corps à cordes frappées naissent des chansons aux textes puissants qui rendent compte du monde et de notre existence à travers une écriture dense, précise, portée par des compositions très souvent tornadesques ou enjouées » lit-on sur sa page facebook.
La chanson l’habite, ça s’entend. L’histoire, la mémoire de la chanson aussi : Pierre Antoine s’inscrit dans ces sillons que d’autres ont enchanté avant lui. Sa bio parle de similitudes avec Bécaud, Trenet, Brel ou Leprest ; ça fait beaucoup mais rien n’est faux. « Mais que la vie est douce / Quand les amours vous poussent / Dans les bras d’un bonheur / Qui vêtu comme un rêve / Vous porte et vous entraîne / Comme l’ivresse du vin / Et un cœur qui chaloupe / On oublie la rengaine / Et le temps s’y jalouse / Mais que la vie est douce / Auprès d’une fleur qui pousse… » On connaissait certes l’Antoine, dans le cadre d’une carrière en duo ; on le découvre ici plus encore comme chanteur, comme un vrai chanteur : ce disque est une révélation.
« Qui a pu rendre sa copie / Sans une rature dans l’histoire / Bavure d’encre de soucis / De petits tas de Trafalgar / / Qui a pu raconter sa vie / Sans un trémolo dans sa voix / Sans oublier le point d’un « i » / Sans changer le mot qui va pas… » Pierre Antoine a eu raison de reprendre ce titre-là, de la tirer du passé. Pour avoir tant changé de mots à sa vie, Lavilliers pourrait le reprendre à son compte : c’est, comme bien d’autres de ce Brouillon, une superbe chanson.
Pierre Antoine, Brouillon, autoproduit 2021. Le facebook de Pierre Antoine, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En concert dans le cadre du programme officiel de Barjac m’en chante 2021.
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