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Gisèle Pape, quartz noir pour monde en peine

Pape Gisele-3B-©Studio RozijnDe l’orgue liturgique à l’orgue électronique il n’y a qu’un pas que la rêveuse Gisèle Pape a sauté allégrement, promenant sa tête chercheuse au sein des forêts à l’écoute des oiseaux, au bord des rivières pêcher des histoires ou des sirènes.
Après une formation au Conservatoire de Belfort, elle a enchaîné avec des études de cinéma à l’école Louis-Lumière, réalisé des films expérimentaux, taillé dans la pellicule, le son et la lumière, tâté de la guitare et du synthé analogique, voyagé, ramené des sons et des impressions.
Vient Oiseau, un premier sept titres en 2016 de près d’une demi-heure, qui construit déjà un monde qui semble traverser le temps, entre fables médiévales ou grand siècle (Lisandre)  et comptine (Moissonner), posé sur une musique électronique vibrante, sur laquelle vogue une voix claire, douce et décidée tout à la fois. On remarque à travers les siècles la parenté entre le bourdon de la vielle ou l’ampleur des sons de l’orgue à vent avec les sonorités produites par l’électronique moderne. Cette personnalité singulière la fait remarquer par le label La Souterraine, sélectionner parmi les artistes émergents, et tourner en une centaine de concerts.

Pape Gisèle 2021caillou-1440-alexandrechenetLe premier album dix titres de Gisèle, Caillou, annonce le ton : plus d’envolées, on atterrit, et pas dans une symphonie pastorale, mais dans un monde dur, minéral, comme fossilisé ou irradié. Gisèle Pape sait sculpter sa matière sonore pour en dresser des tableaux saisissants, où elle nous guide entre psalmodie insistante et chanté mélodique, éveillant en nous des étincelles d’espoir, dans des chansons où le réalisme côtoie le rêve. Xavier Thiry, le réalisateur-arrangeur de Fishbach ou de la Féline, l’a aidée à trouver ce regard contemporain, en perpétuel mouvement, rythmé par des refrains en forme de haïkus.

L’orage gronde, et même le chant des oiseaux est inquiétant, quand elle recrée l’évolution des paysages depuis l’aube du monde jusqu’à « la cartographie du ciment et du fer » de notre espace contemporain.
Un soleil blanc illumine le paysage d’ondes qui s’amplifient en un paysage sonore si prenant qu’il en devient visuel. Loin d’être bienfaisant, il brûle en un instant, réduit tout en cendres :
« Ils enterraient nos forêts, nos arbres / Ils enterraient la terre » . Tchernobyl…

Les humains aussi habitent ce monde en péril, réduits parfois à l’état de robots disciplinés et obéissants comme ces Nageuses de feu l’Allemagne de l’est, à l’entêtant refrain : « Je plonge, je nage, je gagne, je ne suis plus qu’un corps ». Les amours sont difficiles, et toujours Gisèle Pape semble revenir à son idéal d’un humain encore libre, non asservi, l’indien aux yeux clairs « De son regard tranquille il dit les images de mes scènes / comme la carte d’un territoire dont il me confierait les gestes / et le silence se pare de mes paroles échappées » qui la sortirait de sa Bulle, d’être hyper sensible jusque dans sa Peau fine où tout résonne.

Sur le fil entre la menace d’un monde dangereux, de la fascinante coronelle, Le serpent lune, au rocher qui se dérobe, Flashés par le vide, Gisèle se hâte lentement vers sa plaine apaisée, « à l’insu du roi et de ses volontés » dans une danse immémoriale,

Le tambour résonne
nous tenons les peaux
À celui qui s’aidera

 

 Gisèle Pape, Caillou, Finalistes, 2021. Le site de Gisèle Pape, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Photos ©Studio Rozijn

Les nageuses Image de prévisualisation YouTube Soleil blanc Image de prévisualisation YouTube 
À l’heure où la lumière dort 
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