Thomas Pitiot, notre coco chéri
Ce cru 2021 peut nous faire songer qu’il y a bien longtemps que nous n’avions pas eu sur la platine un Pitiot nouveau. Depuis celui de 2013 : dans un même coffret, un disque pour le fils, un autre pour le père. Mais ce serait oublier le Allez jouer dehors !de 2016, un disque jeune public pour tous les âges. Et le collectif L’empreinte Ferrat qu’il coordonna sur scène comme en disque.
Mais celui-ci arrive à nous comme une résurgence. Du visuel de la pochette au titre de l’album, tout sonne Pitiot, comme une mise en bouche, mise en oreilles. Et nous ne serons pas déçus : tout y est effectivement, bon poids bonne mesure. D’abord et avant tout cette chaleur, cette empathie d’avec les personnages qu’il met dans ses chansons. Et les musiques, épaisses et légères à la fois, colorées : toute la marque « Thomas Pitiot » qui, entre chanson sur la banlieue – celle qu’il a laissée – et l’Occitanie qu’il a rejoint (« Moi je suis plus de La Ciotat / Que du côté d’Éric Ciotti » entonne-t-il, comme pour bien situer sa géographie politique), ne cesse de nous chanter le voyage, la diversité culturelle. Et la question sociale. Voilà le triptyque de son répertoire qui, album après album, se mue, se bonifie en œuvre. Chanteur social, urgentiste qui, à sa manière, soigne les bobos de l’âme, des sociétés, un peu docteur Justice. Et – c’est nouveau et réjouissant – désormais doublement papa, qui se « sent de mèche / avec les dames de la crèche ». Il y a toujours eu en lui de la tendresse à revendre pour les autres ; s’y ajoute désormais la tendresse pour les siens. C’est dire que ce disque est plus sensible encore, plus précieux, attachant de bout en bout.
Il faudrait prendre une mappemonde pour y stabylo-bosser ses îles, ses musiques, ses pensées, espoirs et tristesses, y recenser les terres volées, leurs peuples congédiés. Des Palestiniens et Ouïghours aux Indiens d’Amérique, la chanson Terre volée leur est consacrée et est un des moments plus forts encore de cet album : « Il n’y aura pas de paix sur une terre volée / Jamais de nuit tranquille ni d’espoir partagé ».
Citons encore ce trait d’humour et coup de griffe envers la religion : pauvres témoins de Jéhovah devant lesquels il se met à nu… Et cette adresse précise, sans humour ni concession, sans nullement le nommer, à l’homme qui nous dirige, qu’est Tu auras beau (en vidéo ci-dessous).
Tout est bon, tout est sympathie, empathie, connaissance et reconnaissance. Comme ce titre en hommage du communiste libertaire que fut ce prénommé Marcel et cette jolie formule de circonstance qui brûle en son coeur : « L’amitié renaît de ses cendres »…
L’ensemble – quatorze titres – est passionnant, surtout quand on sait ou devine que rien n’y est pour rien, que chaque mot est nourri d’une émotion, d’un voyage, d’une naissance, d’une amitié, d’une part d’un récit de vie. Tout y est pétri d’humanité, et je ne parle pas que du Quotidien qui se fête en septembre à la Courneuve.
Tout, jusqu’à ces photos du livret, de Cédric Delestrade, où nous apparaît un Pitiot façon Lider Maximo. De quoi, en fanfare sinon rien, dignement arroser cet album lors de la prochaine fête de l’Huma, à la Cité internationale, stand de Cuba.
Thomas Pitiot, Chéri Coco,L’Océan nomade/L’Autre distribution 2021. Le site de Thomas Pitiot, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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