Sylvain Cazalbou, la vie est un jeu d’enfants
Un album sur le rythme de la bossa, entre Brésil et Cap-vert, samba et sodade, au son des magnifiques guitares (Jeremy Rollando, et Teofilo Chantre lui-même sur le titre phare Bel Avril qui donne le ton général), des percussions d’Alexandre Sauvion, des contrebasse et basse de Florian Muller, de l’accordéon de Jean-Luc Amestoy, des choristes de musiques des mondes autour de Samëli et de Paamath… écrin de la voix chaleureuse et duveteuse de Sylvain Cazalbou, parée d’un imperceptible accent de Toulouse, comme un nid dans lequel on aimerait s’abriter.
C’est sous deux formats que paraît cet opus. D’abord un digipack classique avec son livret bleuté illustré de photos d’enregistrements. Et des œillets qui semblent jaillir hors du disque, comme plonger dans la piscine de la photo de couverture, celle de ce Bel avril 1974 où la dictature salazariste s’est effondrée, libérant du même coup les colonies indépendantistes.
Le poète chanteur Zeca Afonso participe à la conscientisation avec sa chanson Grândola, vila morena. L’armée se soulève « Aux canons une fleur pour annoncer la couleur », et quand résonne la chanson de Zeca sur les ondes catholiques, tous les œillets sont à la boutonnière « Du Cap-vert à Lisbonne / Le rouge pour seule odeur ». C’est Teofilo Chantre qui a composé la musique capverdienne de cette chanson et prêté sa voix inspirante et consolante à ce très beau dialogue.
Sylvain Cazalbou est l’auteur compositeur de tous les autres titres, sauf On finira sur mars par Marc Estève et ses mots qui poétisent, désabusés, le dérèglement climatique : « Regarde, moi, je kodak / Des Noëls aux cigales / Et des tisons à Pâques / Du thym à la Saint Val » ou « L’eau est sale, ils se lassent ». Qui prête aussi ses Mains pleines en co-écriture, hommage aux travailleurs de partout et d’ailleurs « Des mains blanches / pleines de charbon / Des mains noires / pleines de coton ». Michel Françoise signe un très beau texte sur la nature humaine, « Qu’est-ce qui fait courir les hommes / Qui fait de nous ce que nous sommes / Des rives du Gange, aux rues de Rome ». Sur ces mélodies aussi mélancoliques que dansantes, Cazalbou chante l’amour « Je peux être une canaille / Ou bien conquistador / Renouveler le bail / Rester dans ton décor / Je n’ai rien d’autre », le départ, le souvenir qu’on garde, et en duo avec la voix douce et vibrante de Sarah Caillibot, nous envoie son message : Attends et rêve.
Tous les mots sont à savourer, à déguster, et c’est là que le deuxième format, un très joli petit livre intitulé Brèves et Palabres, prend tout son intérêt : Marc Estève y rejoint Sylvain Cazalbou pour présenter les paroles des chansons qui s’étalent, bien à l’aise comme des poèmes, illustrées par les très belles photos noir et blanc de Valérie Schmitt. Les brèves sont aussi poésies qui prennent des airs de haïku, « On dirait qu’on voyagerait léger / Deux moins une égale un » pour évoquer cette fable d’un loriot (une loriote?) qui a quitté le nid, « Un seul battement d’ailes / A bien suffi…pour t’en aller ». Ce conditionnel qui relie les chansons semble jeu d’enfant , « cent fois le ciel, cent marelles » : « On dirait qu’on serait / Une île en bord d’Afrique, à un battement d’ailes ». Mais ce sont des jeux d’adultes fatigués d’avoir trop bu la vie… « Tu feras l’affaire… Et si tu oses encore / T’offrir à mon corps / Je te propose / Rien ou six roses ». Au mitan du livret, les QR codes dessinent de modernes dentelles, à scanner pour pallier la rareté croissante des lecteurs de disques compacts. Rejoignant l’intemporalité des jeux d’antan : « Sous le diamant de ma platine / Un disque dort / Sur l’air qui sort de ce vinyle / Je danse encore ».
Catherine LAUGIER
Sylvain Cazalbou, Bel Avril, album CD 2021 – Marc Estève &Sylvain Cazalbou, Brèves et Palabres, Bel avril, livre 2021 – Sony / ATV Music Publishing France.
Le site de Sylvain Cazalbou, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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