Guy Béart, le bonheur intégral
Ne cherchez plus, j’ai trouvé pour vous le plus beau des cadeaux de Noël. A offrir à votre vieille tante Irma, ça lui rappellera sa jeunesse. Ou à votre parrain Robert, celui qui aime la chanson française et Florent Pagny. Ou encore à votre petit-cousin Jules, qui pourra toujours le revendre sur E-Bay. Ou, le plus sûr moyen de faire plaisir, à vous offrir à vous-même ! Osez la différence, comme le prônait un vieux slogan publicitaire.
C’est que Guy Béart n’a jamais été un chanteur consensuel et ne fera jamais l’unanimité. On peut énumérer les écueils. Trop intello pour les afficionados de la chanson populaire. Trop simpliste pour ceux qui ne jurent que par la chanson poétique. Des mélodies indigentes en apparence. Une voix un poil crispante et un chant parfois à la limite de la justesse. Enfin, un personnage médiatique définitivement catalogué ringard, en particulier depuis cette émission d’Apostrophes où il s’est fait crucifier par Gainsbourg.
Pourtant, qui passe outre ces préjugés et se plonge dans son œuvre a toutes les chances d’en ressortir charmé, tant une écoute sans œillères permet d’oublier le chanteur, de se concentrer sur son art, et de se réaliser combien Béart est un grand maître scandaleusement méconnu.
Il vous est permis depuis le 4 septembre de confirmer ou de réviser votre jugement en vous déversant entre les oreilles la totalité de ses chansons. Une intégrale en bonne et due forme. Celle que l’on n’osait plus espérer, attendue comme le Saint Graal par tous les fans du chanteur. L’occasion en or de (re)découvrir en long et en large le plus singulier de nos artistes, l’anarchiste féru d’espoir, l’homme à femmes, l’ingénieur-poète.
L’objet en lui-même est splendide. Sous-titrée Les couleurs du temps, l’intégrale se présente sous la forme d’un gros coffret bourré de photos de l’artiste à tout âge, le plus souvent armé de son inséparable guitare. Un livret exclusif nous y attend. Une préface par sa fille Emmanuelle. Un texte inédit de Bertrand Dicale, offrant un bref survol de sa carrière et de son œuvre, soulignant les thèmes récurrents, replaçant ses grandes chansons dans leur contexte historique. Aussi passionnant qu’instructif. Enfin, plus technique, une discographie commentée par Jacques Moalic, pour tout savoir des enregistrements réunis.
Car bien sûr, l’essentiel est là : 20 CD pour une somme de 446 titres ! Chapeau bas. Reprenant l’œuvre par ordre chronologique, tous les titres répondent à l’appel, des premiers pas discographiques en 1957 jusqu’à son ultime disque en 2010, Le meilleur des choses. On y trouve donc les albums tels qu’ils étaient parus, avec les chansons dans leurs différentes versions (Guy Béart était spécialiste pour réenregistrer ses anciens titres, y apportant au passage quelques modifications), des raretés comme ses 45 tours jamais repris en album ou ses chansons parues en bonus de compilations, des versions publiques… Et bien sûr, des inédits en pagaille : maquettes, fonds de tiroirs, duo avec Brassens, même 4 chansons en anglais… Des heures d’écoute et de bonheur à l’état brut.
L’année 2020 s’achève. Elle fut grise et sans attrait. L’occasion vous est donnée de la parer d’un ultime coup de soleil. Manque de sous ? Rognez sur les cadeaux des autres ! Vous vous remercierez plus tard.
Guy Béart, L’Intégrale – Les couleurs du temps, Panthéon/Universal, 2020. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Guy Béart, c’est là.
D’accord avec tout ce qui est dit ici.
Je me permets juste d’ajouter une raison pour laquelle il ne faisait pas , et ne fera jamais , l’unanimité : il était ami avec Pompidou ! Je peux témoigner que dans les années 70 , quand je parlais de Béart à mes copains amateurs de chansons à texte » rive gauche » avec qui je passais des soirées à écouter Brassens ou Béranger … ça passait difficilement . Pour ce qui est de l’émission avec Gainsbourg ( qu’on peut retrouver sur la toile facilement ) on peut noter que Béart et le seul à oser contredire Gainsbourg ( qui était capable de dire des conneries ) . Les autres, Perret, Le Forestier, Chédid, Anne Sylvestre … , n’ont pas bronché . Peut-être pour les mêmes raisons ( ne pas être du côté de Béart). Voilà. C’est effectivement un superbe cadeau à offrir ( ou à s’offrir comme je l’ai fait ) . Amitiés.