Jacques Brel « Orly »
Tout encastrés qu`ils sont
Ils n`entendent plus rien
Que les sanglots de l`autre
Et puis infiniment
Comme deux corps qui prient
Infiniment lentement ces deux corps
Se séparent et en se séparant
Ces deux corps se déchirent
Et je vous jure qu`ils crient
Et puis ils se reprennent
Redeviennent un seul
Redeviennent le feu
Et puis se redéchirent
Se tiennent par les yeux
Jacques Brel (8 avril 1929 – 9 octobre 1978)
Paroles et Musique Jacques Brel. Extrait de l’album « Les marquises » (1978)
Jamais une chanson n’aura été si cinématographique dans ses quatre minutes, nul besoin de vidéo pour se projeter la scène dans son imaginaire. Tragédie éternelle, perte non voulue d’un amour, tragédie de la vie, où Brel se place plutôt du point de vue féminin.
Dans cette perfection Brel se permet quelques fantaisies inattendues, comme des explications de texte : « Et maintenant ils pleurent / Je veux dire tous les deux / Tout à l`heure c`était lui / Lorsque je disais il » ou des évocations d’autres chansons : « C`est triste Orly le dimanche / Avec ou sans Bécaud ».
Procédés qu’il reprend dans une autre chanson de l’album, La ville s’endormait : « La mer se désenchante / Je veux dire en cela / Qu’elle chante / D’autres chants / Que ceux que la mer chante / Dans les livres d’enfants / Mais les femmes toujours / Ne ressemblent qu’aux femmes / Et d’entre elles les connes / Ne ressemblent qu’aux connes / Et je ne suis pas bien sûr/ Comme chante un certain / Qu’elles soient l’avenir de l’homme ». Une chanson d’un pessimisme noir qui évoque la maladie, la vieillesse et la mort, sous la douceur mélodique, mais se termine toutefois par une note de beauté légère : « Et vous êtes passée / Demoiselle inconnue /A deux doigts d’être nue / Sous le lin qui dansait ».
Une autre chanson sur La fin d’un amour, de lassitude, sur une musique de Gérard Jouannest, avait été écartée par Brel qui la jugeait non aboutie. Elle est parue à titre posthume en 2003. Peut-être pas la puissance dramatique d’Orly, mais une bien belle chanson aussi !
il en existe une belle version par Anne Sylvestre qans un coffret Sélection du Reader digest