Dans la tête de Tom Cousin, des tempêtes, des femmes et des roses
Il nous dit qu’il n’est pas chanteur. Nous, on n’en est pas persuadés, qui le suivons depuis des années au sein du Duo Aron’C, certes un peu en retrait d’Aron Cohen, mais bien présent, en chœur ou en alternance.
Seulement … dans sa tête il y a une tonne de sentiments, d’impressions, qui ne demandaient qu’à éclore au bout de sept… de huit ans de réflexion. Pas au bout, en fait, tout au long. Saisis au vol, les papillons de sa pensée, les notes qui lui trottent dans la tête, les vagues qui le poussent ou le freinent en un flux et un reflux. Ici vous avez un humain, un chanteur, qui comme Debronckart vous offre son cœur : « Pitié pour le chanteur qui vous livre sa vie, il est dans votre main, ne serrez pas trop fort »
Mais laissons lui la parole : « Si t’as pas peur des tempêtes allez viens faire un tour dans ma tête (…) Y a bien trop de bruit dans ma tête faudrait pouvoir couper le courant ». Surtout pas ! Tous ceux qui sont dans sa tête nous font tout un orchestre… qui se libère des mesures robotiques et grinçantes battant en tempête, pour s’enlever dans un lyrisme rock mélodique. Enfant, femme, parents, poésie, paysages, indignations, tout flambe… un feu d’artifice ! Ce titre là résume à lui seul tous les autres.
C’est qu’au bout de 25 ans passés à « faire chanter » les autres, il a eu besoin de chanter lui-même des mots qu’il ne pouvait pas donner à un autre. Des mots et des maux, des sons qui sont sortis directement de son cerveau, nous dit-il, je dirais plus encore de son âme, qu’il retenait depuis bien trop longtemps, et qu’il a gravés direct. Dans l’instant sans doute, sans artifice et sans fioriture, mais mûris de toute une expérience d’homme, d’artiste, de musicien.
L’album est dédié à sa femme Déborah, à sa fille Mélody qui a été le catalyseur de son expression : « Te souviens-tu de novembre quand on a composé ensemble / La Mélody la plus belle… »?
Pour la forme… C’est un chant brisé, du genre qui vous déchire l’âme, qui peut faire penser à Saez, à Soan, à Mano Solo, dans cette sensibilité exacerbée, dans cette urgence… Et quand le cœur déborde, il faut le laisser crier. Et espérer qu’il aura encore beaucoup de choses à nous dire ! Voir la mer ouvre l’album, nous emporte immédiatement, s’élève comme une prière, enfle, se développe, et roule en vagues brisées. Une mer omniprésente dans l’album, en calme et en tempête, une quête qui se répète plusieurs fois dans ses chansons « pour courir au bord des falaises juste pour s’offrir à l’horizon ».
Entre cris et chuchotements, sa Chanson de pluie parle d’orage plus que de gouttes s’écoulant doucement sur la vitre d’un train de nuit « J’aimerais tant saisir avant que ne tourne court / La beauté de l’instant électrique dans l’air », et pourtant il s’agit d’un retour… Quand l’Allain disait : Donnez-moi de mes nouvelles, lui les envoie… C’est le temps qui passe : ce Noël avec les enfants, où il manque le héros de notre propre enfance, notre père, quand on ne voit plus soudain que cette chaise vide, et tous les souvenirs qui refluent… Les voyages à la Plantade, la maison chargée de tant de souvenirs, de jeux, de famille, « Il est un lieu plus que mille autres où je serai toujours enfant » par une belle lumière d’hiver, en Provence, en Italie « A boire nos nuits d’ivresse, un aller simple aux merveilles, un voyage / A perdre le sommeil ».
Pour le fond… eh bien c’est superbement écrit. Les éléments, l’eau de la pluie et de la mer, le feu et l’air du temps l’inondent, le brûlent et l’agitent.
Poèmes fleuves inspirés, déclarations d’amour : « Et c’est un voile de grâce qu’il a posé sur toi / Jusqu’à mon dernier jour moi je croirai en toi » ou encore « il fallait bien que ce soit toi de l’autre côté de chez moi au bout de la passerelle » à la fois justes, simples et pourtant lyriques.
Rage contenue de celui qui ne se sent Pas comme tout le monde : « Le feu de vivre le feu sacré est-ce qu’il te brûle encore les doigts / La rage au ventre les poings serrés prière pour qu’il ne s’éteigne pas ».
J’crame tout, avec la complicité de son alter ego Aron Cohen, passe du chant au rap et du rap au chant, mais ce ne sont pas des voitures ou des vitrines qu’il veut cramer, mais bien son passé pour bâtir : « On l’a tout dit c’est fou j’tire un trait et je fais le meilleur ».
Jour de braise tricote les paroles de la Marseillaise pour dénoncer : « Ouais jour de braise et de tonnerre l’étendard sanglant est levé / Jour de braise et de tonnerre le jour de honte est arrivé » et la guitare miaule telle celle de Jimi Hendrix à Woodstock.
Car la mise en musique, qu’il a faite du début à la fin, pour tous les instruments, déchire aussi, un rock battant ou subtil, avec de belles variations, des silences et des riffs de guitare qui chavirent, alternent avec des ballades douces au piano ou à la guitare. Un son parfait, mixé et mastérisé par Franck Morel et Jean-Luc Briançon, qui joue aussi le piano refrain sur la Passerelle. Saluons aussi Les chœurs de Déborah Cohen sur Parle-moi de nous.
Il y a beaucoup à prendre, à respirer dans cet album qui vous laisse un peu sonnés, sous le choc de cette émotion d’homme qu’il dégage.
Peut-être que nous sortirons plus humains d’un tel disque.
Thomas Cousin, Debbie et moi, Champ libre (2020)
La page facebook de Thomas Cousin, c’est ici Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Perdre le sommeil, clip officiel
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