Bertrand Betsch, au bonheur de vivre
Bertrand Betsch continue avec le dernier album de ce triptyque (La vie apprivoisée, Tout doux, La Traversée) son œuvre reconstructrice. La vie n’est pas un long fleuve tranquille ? Qu’importe, puisque c’est la Vie. La Traversée était une chanson-poème de son album Pour mémoire (2017), des écrits de vingt ans, un réservoir d’inspiration pour ses futurs albums : « J’ai traversé le temps pour habiter le présent ». Il en reprend le thème pour tout un album infiniment réconfortant qui nous apporte la sérénité, avec cette voix tendre et enveloppante et cet environnement musical riche de ses cordes, violons (Emile Cazebas et Salomé Perli, également au piano), violoncelles, contrebasse, flûte et clarinette (Mirabelle Perry), et la batterie de Léo Faubert. Le tout sous le contrôle de Marc Denis qui ajoute ses guitares et basse et la programmation, dans une alternance de danse et de prière obsédante et douce, addictive.
Donc nous y voici, et si l’auteur admet que l’on puisse « rater sa vie de presque rien (…) Comme on raterait le bus 51 », il nous le promet : « Et on y arrivera / Et on s’en sortira ». Même s’il évoque plutôt des difficultés de couple, ce texte a une portée universelle, et nous sert de marche à suivre pour tous les moments difficiles, et tout particulièrement en ce printemps-été 2020 : « Il y aura des obstacles / Et parfois des miracles / Il y aura des embardées / Des sorties de piste / Des loupés, des ratés / Il faudra prendre des risques ».
A coup de phrases courtes, d’anaphores et de métaphores, ils nous conduit vers l’Echappée, nous guidant sans cesse vers la liberté, « par la fenêtre ou par un trou (…) Par un endroit secret (…) On nagera dans le bain d’une foule / Et l’on s’échappera », sur un rythme qui monte comme une prière. Si elle n’est pas tranquille, la vie est bien ce fleuve qu’il nous faut parcourir, A la nage, en se laissant emporter « Il n’y a pas de déshonneur / A être en pleurs » ou à contre-courant « Les gens ne se parlent plus (…) On voudrait revivre / Ce qu’on a mal vécu / On voudrait dire / Ce qu’on a tu ». L’eau est présente tout au long de son chant, et si claire dans ce Rendez-vous à la rivière, véritable bain de fraîcheur de lune, de ciel vif-argent et de corps transparents, qui soudain bascule dans un inattendu cinéma, parfait lieu de rencontre pour cacher son amour tous les jours de la semaine dans un lieu tout autant obscur que lumineux.
Après Malraux, après Souchon, sur une musique qui danse de joie, il sait que si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie, et que ce sont les joies et les peines, les jours et les nuits, les extrêmes et les contraires qui en assurent la Relève, et les instants de beauté pris A la dérobée, l’enchantement : « C’est presque rien / Mais ça fait du bien ». Betsch à l’art de créer sa poésie non par des hyperboles ou un langage hermétique, mais bien par la justesse de l’expression, celle qui vous fouette l’âme comme le cerveau et le corps : « C’est l’insolence d’un été / C’est dans le ventre comme un chant / C’est un grand coup de vent / C’est un sourire arraché / À la griffe du passé ».
La mélancolie d’antan s’est muée en confiance, car « A la fin on se connaît bien (…) Ce qu’on est, on le devient ». Une merveilleuse leçon de vie : « Et même si l’on meurt / On aura eu du bonheur / Après bien des malheurs / On aura eu du bonheur ».
Bertrand Betsch, La Traversée, (2020), Microcultures Records / Kuroneko, La Centrifugeuse
La page facebook de Bertrand Betsch, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
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