Dans le Sarclo tout est beau !
Archive. Ce papier date un peu (juillet 2002 au château de Saint-Victor-sur-Loire) mais pas Sarclo, toujours vert, sauf que l’helvète de la chanson tendre et gauloise a recouvré depuis son ancien patronyme de Sarcloret pour que jamais on ne puisse le confondre avec l’autre, le locataire de l’Élysée. C’était l’époque de ce duo avec Bob Cohen, qui a donné sans doute le meilleur disque de Sarclo : « Des tendresses et des cochoncetés – Compilation acoustique ».
Selon Sarclo « L’amour est un commerce mais la décharge est municipale » : c’est tant le titre de son actuel spectacle que de son récent cédé. Joli commerce en fait pour un chanteur qui n’a jamais autant hanté la tendresse, qui pétrit sans relâche des phrases sans équivalence aucune, qui mastique mots et fantasmes, les magnifiant d’une écriture décontractée, pas désinvolte : « T’es belle comme la Tour Eiffel / Belle comme une poubelle / Comme un champ de colza / T’es belle comme un dessin de Poussin / Une chanson de Desjardins / Et cætera ». Sarclo est infinie tendresse, comme on a pu le dire de Pierre Perret, versant Pierrot-tendresse, version corps féminin et porte de douche entr’ouverte. Est-ce l’excessive timidité du bonhomme qui suppose rupture, la beauté est chez lui toujours malmenée par d’autres mots, des crus, des parfois gras, de ces respirations incongrues de gynécologue amateur que Sarclo se plaît aussi à être. Sarclo est provo, un peu, beaucoup. Du reste on le sait et on va le voir sur scène en conscience, pour chercher comme un peu de rab, de la gratuite gauloiserie d’un francophone à qui on a du mal à accoler la suisse neutralité de son helvète pays. Il y a des artistes qui causent beaucoup entre les chansons, des dont les monologues font viaduc. Lui s’en tire d’une pirouette, d’un proverbe exactement, souvent de sa fabrication : « On peut sortir du quotidien, mais pas tous les jours », « Toutes des mamans sauf ma salope », « Le plaisir est une chose qui apporte plein de satisfactions », « Les gros nichons c’est pas plus beau que les p’tits, mais y’en a plus »… qui font lien avec ce qui sera ensuite chanté. Sept guitares sur scène, toutes avec des sonorités différentes. Le bois de lutherie fait chorus avec la charpente du théâtre couvert de plein-air, petite agora qui nous renvoie des mots très beaux, très doux. Bob Cohen, superbe musicien outre-Manche, l’accompagne : guitare et mandoline, bonheur. Deux complices assurément qui prennent un plaisir croissant et prolongent volontiers ce récital hors de son champ balisé, de son format prédéterminé. Qui, après tendresse, nous restituent un peu l’autre Sarclo, celui qui lorgne sur notre hexagonale politique et prolonge son verbe vengeur sur la guerre ou sur les texans McDonald’s pénitenciaires de Bush junior. « J’ai pas la même fourchette commerciale que Sardou. Alors j’fais du centre-gauche Tupperware, le service minimum, quoi ». Tendre, rigolo le Sarclo ? Tendre d’abord, même bouleversant quand il chante, à l’évocation d’une photo d’avant drame, sa défunte maman ; quand il chante les ambulances et infirmières qui sauvèrent papa. Tel est Sarclo, pluriel dont tout est à prendre, à savourer longtemps, comme autant de petites perles d’une chanson revigorée qui n’a pas sa langue dans sa poche, comme un impertinent qui nous fait comprendre que la chanson, pour être digeste, doit avoir du goût, du corps (pas que celui des femmes d’ailleurs), de la pertinence pacsée à l’impertinence. Un récital du meilleur goût quoi, vrai fleuron de cette « branche armée de la chanson française de qualité » dont Sarclo est ardent militant.
Faisons le lien : Sarcloret a fait l’objet du précédent volume de Tranches de scènes, le n°6, intitulé Sarcloret, tronche d’obscène ! Notre chanteur y partage le lit avec Entre 2 Caisses, Michel Bühler, Claude Astier, Yannick Le Nagard, Bernard Joyet, Nicolas Bacchus, Jean Dubois et La Gym hommes de Sonceboz. Rien que des gens infréquentables comme on le sait…
Tout ça est parfaitement gentil et intelligent mais on trouvera sur mon site de grandes coupures de presse qui parlent de mon coffret qui est moins ancien que cette tournée avec Bob. N’empêche : jouer avec lui est mon métier préféré et lire ça me met dans une nostalgie cuisante. Merci.