Rodrigue, une chanson qui se mire dans la vie
Avec quatre albums studio, dont celui-ci, un en public et deux dvd, Rodrigue ne peut que difficilement vous être inconnu. Pourtant, il est bon à chaque fois de nous/vous le remettre en mémoire. Une chanson française tendance pop qui souvent s’aventure en terres rock, des albums chaque fois différents, qui parfois déroutent mais toujours tracent une route bien définie, d’une rigueur qui se renforce plus encore chaque fois.
Au premier titre, il fait chamboule-tout : fuck à tout, « Fuck à toutes ces valeurs auxquelles on me soumet / Fuck la foi / Fuck les abstractions / Fuck les principes (…) Je veux la vie et la création / Jouir souverainement de tout / Puis m’effacer dans le néant ». Table rase, propos radical. Qu’à leur façon les titres suivants tentent de reconstruire. Un « disque de cassure, de résilience » dit-il, aux élans paradoxaux. En fait quatorze plages qui, à un titre ou à un autre, nous ressemblent, nous rassemblent peut-être, faites d’injonctions et de rejets, de désirs et de regrets, « d’expansion d’énergies vitales », de « communion d’extases ». Et d’amour : « Ferme les yeux / Ne pas se réveiller / Respirer tes sourires / Caresser ton félin. »
Vous allez d’un titre l’autre et, sans qu’il y ait fondamentale rupture, vous êtes dans un autre espace musical, autre écrin pareillement précis, soignée, orchestré, comme si vous quittiez une pièce pour entrer dans celle d’à côté. Pop, certes. Variantes de rock aussi, et piano-voix ici, accordéon là, slam et rap qui ne sont parfois pas loin. Et toujours ces propos qui questionnent, l’auteur sans doute, l’auditeur aussi, que Rodrigue en soit sûr. C’est une chanson qui se mire dans la vie, les épreuves : elle réfléchit. Les textes sont denses, qui aussi dansent comme dans ces Magnifiques ennemis qui pressentent, anticipent la rupture : « L’amour passe / S’il n’arrive que ce qu’il doit arriver ».
A rebours de cette mode qui ne veut plus que des textes minimaux, voir plus de paroles du tout, Rodrigue palabre avec talent, en pleins et déliés. Et chaque mot, bien à sa place, est passionnant, dont la résonance prolonge le vers, la rime, le raisonnement qui souvent emprunte des chemins de traverse, loin du prêt-à-penser, du prêt-à-chanter.
Ne vous demandez pas si Rodrigue a du cœur : il en a ! Demandez-vous d’où lui vient cette aisance, ce talent, ce déluge de mots qui fait tourbillon entêtant, obsédant. Tant qu’en fin de parcours, on remet le disque à son début ou en lecture aléatoire pour à nouveau plonger, chercher, trouver. Des cicatrices, des choix, des élans qui vont tantôt dans le sombre, tantôt dans le clair. Toujours au bout du compte, des émotions. Partagées.
Rodrigue, À fuck toute, à love toute, Fragment des arts/SPPF/Absilone. Le site de Rodrigue, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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