Bistan vers la dictature verte
A force de ruiner l’avenir de la planète, il fallait bien que notre vieux monde – inclus celui prétendument nouveau qui n’était que le même mais avec encore plus d’escrocs – s’effondre. Et ce jour est un jour venu : les écologistes ont le pouvoir dans cet Hexagone élégamment rebaptisé Bistan. Les écolos ? En fait le Président Bistan, qui fait régner l’ordre moral et écologique qui s’impose, au même titre que la culture intensive des légumes et légumineuses.
Bip, bip, bip « Vous êtes sur Radio-Bistan ». Et quelle que soit la station (Bistan FM, Bistan infos, BFM Bistan, Nostalgistan…), vous y restez. Ainsi France-Bleue-Bistan est sur le terrain et contrôle du coup la stricte application des nouvelles lois, dénonce au besoin : attention si les aubergines que vous vendez sont du mois passé ou si vos ananas sont cultivés hors-sol. Des lois qui pleuvent comme les pluies acides sur la forêt noire, comme les bouts d’amiante religieuse aux abords de Notre-Dame. En attendant la suppression de l’automobile, les transports sont collectivisés pour déménagements, débarras, brocantes improvisées et transport de musiciens, les autoroutes transformées en coulées vertes, les centres commerciaux démantelés… Les réactionnaires, financés par les banquiers et les concessionnaires automobiles tous exilés, ainsi que le mouvement « monoxyde et liberté », manifestent armés de climatiseurs et de 4×4 contre des forces de l’ordre armées de canons à fumier et de LGRD (Lanceurs de Galettes de.Riz de Défense).
Voici donc un disque d’anticipation, de politique-fiction, possible scénario pour un Hexagone qui ronge ses coins. C’est le nouvel album du génial sauvageon Reno Bistan, « une œuvre chansonnesque et radiophonique où l’on retrouve la verve humoristique, politique et poétique du chanteur lyonnais à travers dix chansons entrecoupées de séquences radios déroulant une journée au Bistan ». Car c’est, à n’en pas douter, une création radiophonique. Avait-on déjà fait mieux depuis Orson Welles et sa Guerre des mondes ? Scénario passionnant, un tantinet effrayant il faut le dire. En tout cas le disque le plus fou, le plus imaginatif de l’année, que même Katerine, trop englué dans son biznesse bobo-balisé, n’aurait su concevoir.
En bon écolo, pour ne rien gâcher, Bistan le Président-chanteur recycle ses propres chansons, celles qu’on lui connaît parfois depuis quelques années, à force de fréquenter ses scènes : Comme un écologiste (au gouvernement) (qui remonte à 2013, soit bien avant Nicolas Hulot et les homards de son pitoyable successeur), Sous Jospin, etc. Tout bien à sa place, comme si depuis des années, Bistan fabriquait patiemment les pièces de cette œuvre. Même cette chanson d’autrui, l’Hexagone de feu Renaud (là j’anticipe, mais si vous relisez mon papier d’ici à quelques mois, je serais pile-poil dans l’actu et vous cesserez de me railler) qu’il réactualise comme il faut, avec ce qu’il faut (Aquarius, Macron, gilets jaunes, etc.). Cet Hexagone 2020 est exemplaire !
Tout en constatant avec satisfaction que les prévisions électorales lyonnaises virent actuellement au vert, on craint un peu à l’écoute de cet opus verdoyant que Bistan guigne la place de Collomb avant d’effectivement piquer celle à Macron. Et si le drolissime Bistan se muait en ce dictateur vert ? Au moins, on se dit qu’il nettoierait les écuries d’Augias de la chanson industrielle pondue en batterie, ce qui serait déjà ça. Quant au reste… On se console quand même à l’écoute de la néanmoins très inquiète « T’ima, t’ima, t’imagines / Si on avait eu Marine ». On se console plus encore quand Bistan nous chante que « Tous nos voyants sont au vert / Ça va finir au pieu ». Remarquez que Dracula disait la même chose.
Reno Bistan, Radio-Bistan, Athos productions/InOuïe Distribution 2019. Le site de Reno Bistan, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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