Stavelot 2019. Kùzylarsen, miracle à l’oud
Stavelot, « Une chanson peut en cacher une autre », 26 octobre 2019,
Dernière ligne droite pour l’édition 2019 d’Une chanson peut en cacher une autre. Le nom du festival prenait d’ailleurs tout son sens en cette soirée automnale, puisqu’avant la déferlante rock annoncée de Bancal Chéri, c’est à la douceur orientale du bruxellois Kùzylarsen que nous avons pu nous abandonner.
Son site nous décrit l’artiste comme suit : « Son histoire, c’est beaucoup bourlinguer, parfois se poser, puis repartir. Donc des voyages, souvent longs, souvent loin, et souvent beaucoup ». Une biographie certes un peu vague mais qui définit l’essentiel : l’objectif du chanteur est de nous emmener ailleurs.
Sur la scène, le moyen de transport semble sommaire à première vue : une guitare maniée par sa partenaire et un oud (dixit Wikipedia : instrument de musique à cordes pincées, très répandu dans les pays arabes, en Turquie, en Grèce, en Azerbaïdjan et en Arménie) pour lui-même. Pourtant, il nous suffit de fermer les yeux et de laisser agir le charme : embarquement immédiat pour le Moyen-Orient, celui des nuits étoilées et des contes peuplés de djinns et de princesses érotiquement voilées.
Le concert débute par L’amour et la guerre, adaptation d’un poème iranien du 8ème siècle. Les soldats y affrontent des populations n’ayant que l’amour pour toute défense : « Nous, nous avons des fleurs comme cavalerie / Et nos balistes lancent des pommes du Liban ». Le Flower power n’a rien inventé… S’ensuivent la belle rêverie de Danser sur la corniche, ainsi que Le long de ta douceur, récit d’une chaude nuit d’amour (L’aube de printemps a fait de nous des amants). Trois titres et nous sommes déjà loin, emportés vers des contrées où les femmes sont belles et douces, les liqueurs capiteuses et les paysages enchanteurs. Nous ne les quitterons plus, même lorsque les chansons seront plus ancrées dans l’actualité (les migrants évoqués dans Mademoiselle Aïcha, les opérations militaires avec Fer de lance…). Avec la surprise du chef : une étonnante version de Je t’ai toujours aimée, chanson millésimée 1982 du groupe belge Polyphonic Size, que Dominique A et Feu ! Chatterton ont également reprise il y a quelques années.
Si le son de l’oud, inhabituel sur nos scènes, retient bien évidemment l’attention, il nous faut souligner l’apport essentiel de la complice du chanteur. Alice Vande Voorde assure la deuxième voix, bat le rythme de ses mains et durcit le son de sa guitare basse, contrepoint idéal à la douceur de l’instrument oriental. Un duo bien rodé, pour le plus grand plaisir des sens et de l’esprit.
Ce fut un beau concert que celui de Kùzylarsen. Une proposition qu’on jurerait inédite, tant la chanson française s’en va rarement aborder les rives de la musique persane. Combien fut réconfortante la sérénité qui nous a envahis à l’écoute de ces harmonies venues d’ailleurs, à l’heure où les peuples de là-bas ne semblent plus être envisagés que comme des envahisseurs potentiels. La musique comme vecteur de paix ? Il est permis de rêver.
POL de GROEVE
Le site de Kùzylarsen, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
L’amour et la guerre (concert)
Le château vide (clip)
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