Marcel Kanche, mi figue, mi raisin
Stavelot, Salle Prume, 20 février 2019,
C’est dans le cadre d’un festival pluri-disciplinaire, intitulé Paroles d’Hommes, que l’occasion (rare) d’applaudir Marcel Kanche nous a été donnée. Marcel Kanche ? Son nom ne dira vraisem-blablement rien au grand public, bien qu’il ait à son actif les paroles de deux tubes certifiés : Qui de nous deux pour -M- et Divine idylle pour Vanessa Paradis. L’homme a pourtant une bien belle carrière derrière lui, forte d’une dizaine d’albums dans sa gibecière. Mais il est vrai qu’il ne donne guère dans la chanson joyeuse ou dansante et qu’il ferait presque passer Raphaël pour un boute-en-train de fin de banquets…
Derrière son piano ou sa guitare, Marcel Kanche se la joue cool. Sûr que le tralala ne passera pas par lui ! Il prend le temps de discuter longuement entre les morceaux, distillant quelques considérations sur la cité qui l’accueille (il s’est documenté sur Stavelot avant de se mettre en route), glissant l’un ou l’autre trait d’humour bienvenu pour alléger l’atmosphère. On aurait aimé vous en dire davantage, mais ses apartés hors micro passaient difficilement le cap des premières rangées. Un détail ? Assez représentatif en fait du concert, curieux mélange de professionnalisme attendu et de nonchalance déconcertante. L’homme se rit des conventions du spectacle, soit ! Mais peine de ce fait à instaurer un climat qui nous aurait réellement emportés dans son univers, sans échappatoire possible. A chaque chanson ou presque, il nous faut repartir de zéro. Jusqu’au final qui n’en est pas un, le concert s’achevant sans crescendo, se concluant sur un salut ponctué d’un « bon, on va s’arrêter là ». Dommage…
Car tout était réuni pour que la réussite soit totale. La voix de Marcel Kanche, adepte du parlé-chanté, est grave et envoûtante à la manière d’un Léonard Cohen, tandis que les ambiances musicales, blues-rocks sombres et hypnotiques, capturent le spectateur dans leurs mailles serrées, pour ne le relâcher qu’épuisé par la tension extrême insufflée sans relâche. Le chanteur est aidé dans cette tâche par Isabelle Lemaître K, aux chœurs et à la seconde voix, et par Jean-François Pauvros à la guitare électrique (qu’il manie de temps à autre avec un archet), brillant musicien et improvisateur, dont la prestation gagnerait toutefois à être canalisée.
Les textes des chansons, de la plume du chanteur, de sa fille Lou ou du poète russe Eugène Savitzkaya, ne sont pas de ceux que l’on comprend ou retient à la première écoute (ni à la dixième ?). Le noir y prédomine, l’espoir s’y fait rare, l’amour restant le seul refuge. Les assoiffés de peau y côtoient les débris de la terre et du bruit, pour entonner ensemble le chant des égarés… On pense évidemment à Bashung – dont Marcel Kanche nous dira qu’il fut son ami -, ombre tutélaire incontournable, mais aussi à Léo Ferré, Gérard Manset, Xavier Plumas ou Pascal Bouaziz.
Au final, étrange concert que celui-là. Si l’écoute fut attentive et bienveillante, il n’en reste pas moins qu’une frange du public a jeté l’éponge avant terme. Une prestation moins dilettante dans la tenue et le suivi du show aurait probablement empêché ces départs, tant ce n’est pas l’ambiance oppressante qui s’avère décourageante, mais les chutes de tension dues aux bavardages intempestifs de l’artiste, régulièrement rappelé à l’ordre par sa choriste. Un professeur sévère-mais-juste dirait : « Bien, mais peut beaucoup mieux faire ».
Le site de Marcel Kanche, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Tout à fait d’accord avec cette analyse. Certains se pâment, je ne sais pour quelles raisons ? Pour ma part j’en suis resté perplexe !!! Une attitude singulière mais artificielle. Une posture qui se veut cool mais qui laisse comme un goût d’inachevé pour ne pas dire de désinvolture.