La Réunion universelle d’Oté Pirates : comme si j’avais des ailes !
J’ai longtemps gardé ce bel objet sur un coin de mon bureau, afin de le mieux savourer. J’hésitais devant la couverture cartonnée, comme si je risquais de la déflorer. Magnifique dessin de Marcel Nino Pajot. Et puis après plusieurs jours je me suis décidé à ouvrir le livre. Les remerciements entament la lecture. C’est sympa de commencer par remercier les hommes et femmes d’équipage. J’ai d’abord feuilleté, avec émerveillement, jusqu’à découvrir le CD à la fin du livre. Alors commence l’aventure. J’embarque sur les pages d’écriture et de dessins, le disque lève l’ancre sur la platine, le Pirate Didier Delezay donne de la voix et l’équipage s’active chacun à son poste. La poésie souffle doucement avant de gagner le large sur quelques notes de piano : « Nos chants de résistance / Humanisme de combat / Riches de nos différences / La rose et le réséda » L’ombre d’Aragon veille sur le bateau. Tout va bien. Mais le voyage ne sera pas pour autant paisible.
Ils sont une quinzaine à donner du crayon, du pinceau et de la brosse, faisant surgir scènes et portraits aux couleurs tendres ou vives, « riches de leurs différences » : le plasticien Ernest Pignon Ernest, le peintre-écrivain José Correa dont on connait le portrait de Léo Ferré, les auteurs de BD Dwa et Hippolyte et plusieurs artistes réunionnais, dont Géraldine Gabin.
Bientôt de gros nuages assombrissent les jolies couleurs qui illustrent les pages. On croise la misère « Ils ont fui les feux de l’enfer / Pour s’en aller jeter leur vie / Entre les cuisses d’une chimère / Gloutonne de luxure et d’profits ». Un poète franco-belge pose la question fatidique : « Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ? » Un SDF qui s’interrogeait naguère sur le destin des chevaux, est rejoint par Bernard Grondin, poète en colère qui colle son Burning aux vers du précédent.
Alors parfois, après une douce brise de, jazz ça gronde dans la voilure, ça craque dans la mâture, ça tape, ça tonne et ça roule avec des accents de partout, un peu rock un peu rap, au gré des vagues et des vents. Mais le Pirate garde le cap avec sa voix cuivrée. Il sait pertinemment s’adresser avec tendresse ou avec humour à ceux qui se laissent embarquer. Le ton est toujours juste, comme la musique, comme cette poésie qu’il écrit ou qu’il emprunte aux auteurs qu’il aime tels Vénus Khoury-Ghata, Jofroi ou Leprest.
Puis, brutalement on aborde au terme du voyage ; lecteur éjecte le CD ; la dimension sonore s’efface mais la magie demeure dans le livre qu’on peut lire ou contempler à loisir. Demain je relancerai le disque.
Cabotage le long des rives de la perfection, cet excellent travail qui nous parle de La Réunion à Paris, De Barça à Harlem et nous respecte dans nos langues et dans nos couleurs est un accord parfait dans les mondes conjugués de la musique, de la poésie, du graphisme, de la chanson lorsqu’elle est un art.
Le site d’Oté Pirates, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
Le vent dans les pages :
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