Julien Clerc, un volcan qui ne sera jamais vieux
19 octobre 2018, 50 ans de carrière, Arena Pays d’Aix Les Milles
Dès qu’à neuf heures moins le quart s’élèvent les premières notes d’Utile, après une attente impatiente, plus personne ne se pose la question : à quoi sert une chanson ?
« Je veux être utile à ceux qui m’ont aimé / À ceux qui m’aimeront / Et à ceux qui m’aimaient / Je veux être utile / À vivre et à chanter ». Roda-Gil l’auteur engagé répond aux Chiliens, qui la souhaitent armée : d’abord, à rêver. Puis, à aimer. Dans sa diversité, « Comme la lune fidèle à n’importe quel quartier ».
Ceux qui s’acharnent à la faire disparaître, « comme une langue ancienne qu’on voudrait massacrer », ignorent que sa force est en son existence même : « Même si les maîtres parlent et qu’on ne m’entend plus » Est-ce abuser de parler de culture ou de civilisation à partir d’une simple chanson ?
Il n’y a peut-être que moi pour penser à ça, la musique vous emporte, vous berce sur les cordes du quatuor de jeunes femmes qui feront aussi chœur, se balance sur les notes de piano, et Julien fait la la la, comme lorsque nous étions enfants. Et le miracle a lieu, sa voix n’a guère changé depuis qu’il débutait, timide et admiratif, à l’Olympia en première partie de Gilbert Bécaud. Qu’il évoquera une demi-heure plus tard, en interprétant la si belle C’est en septembre .
Son vibrato, en une façon nouvelle, qui a peu à voir avec le lyrique ou la chanson rive-gauche sert l’expressivité de la voix, identité vocale dès ses débuts, lorsqu’en 1968 il interprétait Ivanovitch – dont on regrettera l’absence. Malgré un son qui ne peut être aussi parfait que dans une petite salle, les paroles sont constamment audibles, et la mise en scène lumineuse, à elle toute seule spectacle, colorée, inventive et toujours en mouvement.
Incluant en son centre une pastille ronde géante mettant en gros plan tour à tour le chanteur et ses musiciens, elle permet judicieusement d’en suivre les expressions et le jeu. On pourra donc apercevoir les archets frôler les cordes, tout autant que le jeu des quatre musiciens de rock. Dont l’arrangeur de ces derniers albums, le multi-instrumentiste Benjamin Constant aussi à l’aise au piano qu’au cor, à la trompette ou à l’accordéon.
C’est un vrai défi que de nous gratifier de cinquante ans de chanson en deux heures de temps, une preuve de santé mais surtout un bonheur partagé que nous donne là Julien, en enchaînant pas loin d’une trentaine de chansons d’au moins une quinzaine d’albums, quatre 45 tours, deux extraits de comédie musicale (La chanson d’Emilie et du grand oiseau, de Philippe Chatel, avec Lucie pour la scène d’Aix, puis Hair, Laissez entrer le soleil) et deux reprises, avec cet hommage à Aznavour, For me formidable. Debout, ou à son piano blanc, le sourire toujours aussi ravageur, simple et paraissant aussi heureux d’être là que nous pouvons l’être.
Les succès de la période où prévaut la poésie échevelée de Roda-Gil, essentiellement la décennie 68-78, de La Californie au Patineur occupent la plus grande partie du concert. Parmi les chansons bonus, Les fleurs de gare, où Roda-Gil, nous explique-t-il, abandonne exceptionnellement le point d’honneur qu’il mettait à ne jamais écrire « je t’aime » dans une chanson. Cela reste noir et audacieux, mémorable sur la musique ample et dramatique : « Je t’aime crème / Je t’aime noir / Je t’aime au rouge / Du désespoir ». Veine romantique qui sera reprise ensuite par d’autres auteurs, Dabadie pour Ma préférence, puis Femmes je vous aime, Françoise Hardy (Fais-moi une place), Le Forestier ou Gérard Duguet Grasser (La jupe en laine), puis par ses auteurs des années 2000, qu’il mêle aux plus anciens succès .
Le cycle plus pop des années 80 fera l’objet de la dernière demi-heure, avant les rappels avec Partir, La cavalerie et Travailler c’est trop dur chantée avec le public.
Mes seuls regrets, car il en faut toujours, dans ce concert de louanges, est l’absence totale de certains albums ou auteurs, peut-être présents dans les chansons facultatives sur d’autres concerts : celles flamboyantes du discret Maurice Vallet, compagnon des premiers jours, très présent notamment dans le N°7 de 1975, Carla Bruni de l’album Si j ‘étais elle, ou Alex Beaupain de Partout la musique vient, avec surtout Mon cœur hélas.
Quel filtre a donc bu Julien Clerc pour n’être jamais vieux, jamais démodé ?
Pour lire l’intégralité de l’article sur la Tournée des cinquante ans, c’est là.
La tournée des cinquante ans continue jusqu’au 16 décembre 2018, puis du 17 au 19 janvier. Un concert isolé a lieu le 8 juillet 2019, puis deux concerts au Canada en octobre 2019, voir le détail des Concerts ici sur le site de Julien Clerc. Vous y trouverez dans la rubrique Actualités les éléments pour vous procurer l’Anthologie intégrale et la nouvelle édition 2018 d’A vos amours, avec des extraits de la Tournée.
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Julien Clerc, c’est là.
Utile, chantée le 15 octobre 2016 trois mois après les attentats de Nice
Des extraits du concert de la Tournée à Lausanne en 2017
Commentaires récents