Rachid Taha, 1958-2018
Outre Karim Kacel, Khaled et Faudel, la prise de parole de la banlieue et des beurs, dans les années 80, tint beaucoup de ce groupe que fut Carte de Séjour, composé initialement de Rachid Taha, Djamel Dif, Mokhtar Amini, Mohamed Amini, et Éric Vaquer, qui donnèrent leur premier concert en juillet 1981 à Rillieux-la-Pape, dans la banlieue lyonnaise. Rien que le nom était déjà une revendication politique, l’orientation musicale aussi : un raï mâtiné de rock. De Zoubida à Douce France – comment muer une chansonnette un tantinet oubliée en retentissant manifeste politique – qui les amena jusqu’à l’Assemblée nationale (avec Jack Lang et Charles Trenet en personne) lors de la discussion d’une loi sur le code de la nationalité, la carrière de cette formation lyonnaise dura neuf ans, à l’issue desquels, séparation oblige, Rachid Taha s’investit dans une carrière solo et publia son premier album, Barbès (en 1991). Carrière, on le sait maintenant, de vingt-sept années (son nouvel album, enregistré, devrait sortir en début 2019 chez Believe), peuplée d’une dizaine d’albums studios, de deux en public et de plusieurs BO pour le cinéma. Par Rachid Taha, il nous faut retenir ce puissant et élégant mariage de la musique chaâbi, de la techno et du rock, du punk, de la comédie musicale égyptienne et de la chanson algérienne et marocaine, ce constant et solide alliage de la tradition et de la modernité : « Sans la culture on n’est rien. La base de tous mes morceaux est traditionnelle. Après, j’utilise ce qu’il y a de plus moderne parce que l’homme dispose des outils des nouvelles technologies » (Chorus, 1994)
Le succès de Rachid Taha ne se limita pas, loin s’en faut, à l’Hexagone, mais participa de belle façon à la scène mondiale où son art est apprécié, témoins ses tournées qui chaque fois le portèrent loin. C’est un des grands chanteurs, certes issu de l’immigration, mais d’abord et avant tout du rock, qui part avec lui. Un rock simplement nourri à l’envi de biens d’autres influences, d’autres cultures. Bien plus proche des racines du rock que bien d’autres artistes : la musique et le chant de Taha étaient politiques. On l’appréciait pour ça.
Bel hommage. Condoléances à sa famille.