Barjac 2018. Contrebrassens, Brassens sort du puits…
Sauvé dans En scène, François Bellart, L'Équipe
Tags: Barjac 2018, Contrebrassens, Georges Brassens, Nouvelles, Pauline Dupuy
Des reprises de Brassens on en a entendu des centaines dans les styles les plus variés et avec des fortunes contrastées, c’est le moins que l’on puisse dire. Rares sont les réussites, ces interprétations qui nous donnent à la fois le plaisir de Brassens et celui de la création ou de la recréation. Le bon Georges a laissé en héritage des chansons en versions brutes de décoffrage, avec toute latitude pour que chacun les reprenne à sa guise. Le rôle de l’interprète est de révéler la valeur des textes et des musiques, d’ajouter une richesse de plus à ce patrimoine. Un peu comme l’écriture de variations sur un thème donne toutes sortes d’éclats à une phrase musicale. C’est la démarche de Pauline Dupuy, avec les cordes de sa contrebasse dont elle exploite toutes les possibilités, avec sa voix superbe qui ne craint pas les notes hautes et sa diction parfaite. Cette artiste joue merveilleusement de deux instruments : sa contrebasse et sa voix !
La contrebasse que Brassens lui-même a utilisée en contrepoint de ses mélodies sur quasiment toutes ses chansons, trouve ici une nouvelle pertinence car les arrangements de Pauline Dupuy sont d’une belle inspiration musicale : de l’évocation concrète (les gouttes de pluie dans Le Parapluie comme les tempétueux accords dans Le vent), à la rythmique subtile et envoûtante de La princesse et le croquenotes, en passant par le tempo jazzy de Il est des jours où Cupidon s’en fout ou le continuo sur La non-demande en mariage, elle utilise toutes les possibilités de son archet et de ses doigts agiles pour créer le climat, donner du réel à la poésie, et de l’émotion au réalisme comme dans La complainte des filles de joie. Comme Gérard Pierron que le hasard avait placé sur le siège voisin, je fus envoûté… et garde de ces moments une intense joie intérieure tout à fait comparable à celle qu’un Bobino de Brassens provoquait il y a plus de quarante ans et dont le souvenir reste vivace. Et la qualité du silence d’écoute de la cour du château était de celle que l’on réserve aux grandes occasions.
Mais l’admiration n’élude pas la question de l’adéquation d’une voix féminine aux textes très masculins de Georges Brassens, interrogation qui se matérialise dès le premier Parapluie. D’abord sur certaines chansons qui portent un regard extérieur sur une réalité (Les amoureux des bancs publics, Cupidon s’en fout, ou La complainte des filles de joie par exemple) la voix féminine est tout aussi pertinente. Ensuite, le choix de certaines chansons prouve que l’artiste a voulu mettre en évidence le côté respectueux de Brassens pour les femmes et la femme en général (La complainte des filles de joie, La non demande en mariage) ou au contraire son côté lucide (Je m’suis fait tout p’tit) ! Enfin, une autre raison vient rendre complètement secondaire, voire contre-productive, cette question. En musique classique, les transcriptions pour d’autres instruments, loin de déprécier une œuvre, lui offrent de nouvelles couleurs et de nouvelles possibilités d’être jouée et diffusée, et permet d’enrichir la perception d’aspects plus cachés. Dans cet esprit, la transcription de Brassens pour voix féminine et contrebasse dans tous ses états, avec cette qualité d’interprétation, ne peut être qu’être bénéfique à l’œuvre de celui qui reste notre référence en chansons. Et par exemple réentendre avec cette voix ces chansons d’amour au masculin que sont L’orage ou A l’ombre du cœur de ma mie, permet de leur découvrir une dimension supplémentaire !
Pauline Dupuy fait partie de ces interprètes qui font surgir de chansons figées dans nos mémoires de nouveaux trésors.
Le site de Contrebrassens, c’est ici : ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
Bravo pour votre article François!
Je suis entièrement d’accord avec vous, Pauline est une grande interprète de Brassens.
J’aurai tellement voulu être là pour l’apprécier sur scène.
Je ne me lasse pas d’écouter son album qui se trouve en haut de ma collection des interprète du Grand Georges.