Off Avignon 2018. Bruno Duchâteau et Sylvie Marin, sans modération
13 juillet 2018, Atypik Théâtre, In vino Délyr,
Ne venez pas à ce spectacle si :
– Vous faites partie de la Ligue anti-alcoolique et refusez tout degré dans vos boissons, même avec modération ;
– Vous n’aimez ni la poésie ni la chanson ;
- Vous détestez l’art lyrique ;
- Vous ne supportez pas les jolies femmes en robe-tutu rouge ni les troubadours rêveurs, et êtes férocement jaloux de tout homme de plus de trente ans qui a gardé ses cheveux et ose arborer des boucles abondantes ;
- Le chocolat vous écœure ;
- Vous n’avez aucun humour.
Par contre, si vous avez envie de vous régaler à tous points de vue, de réviser vos classiques aussi bien en chanson qu’en opéra, de humer un Châteauneuf du Pape pas seulement du bout des yeux, de sourire, voire de rire aux éclats, ce concert, que dis-je, cette performance, ce récital, ce conte, ce délire, est pour vous.
Calez-vous bien sur les coussins généreusement distribués dans la salle pour compenser l’exiguïté des gradins, souriez à votre voisin de droite ou à votre prochaine de gauche, et laissez vous aller à prier un peu sur une petite messe solennelle empruntée par Sylvie à Juliette, qui l’a elle-même piqué à Rossini : « Le vin délie la langue, il entrouvre le cœur (…) Chavirés par de doux émois / Le vin réjouit le cœur des filles / Et des garçons ça va de soi. » Bruno ne se contente pas d’égrener des notes sur sa guitare, ou à l’occasion, à l’accordéon, et de chanter d’une voix bien placée : il a modifié les textes de plusieurs des airs repris, qui ne parlaient pas tous de vin à l’origine. Le tango corse, par exemple, est devenu le rosé corse, qui tangue tout autant, et lorsque les deux personnages se défient, sortent leurs griffes, le barracuda de Claude François se mue en Gargantua. Tandis que Les feuilles mortes se font, bien évidemment, feuilles de vigne.
Son personnage joue les clowns blancs, un peu lunaire, tentant de résister à la passion qui émane de sa partenaire, dont le personnage abuse du bon vin qui fait tomber toutes les inhibitions. Le temps de chauffer un peu sa voix, elle pourra lancer les grands airs d’opéra et d’opérettes (j’ai oublié de vous préciser qu’elle était chanteuse lyrique) comme les Bachianas Brasileiras n°5 deVilla-Lobos, hommage à Bach. Ainsi que le célèbre Buvons (Libiamo) de la Traviata de Verdi, ou le Rossignol de Francis Lopez, revisité pour l’occasion par Bruno.
Après l’hommage à Gérard Morel – qui s’impose – et son Cantique en toque : « Si t’as chaud aux fesses / Tu pries Sainte-Agnès / La crise de foie / Tu pries Sainte-Foy / La gueule de bois / Saint-Yorre », la recette du cocktail de l’amour nous permettra à nouveau de réviser tous les grands crus français, par tous les saints de Saint-Amour à Saint-Joseph, mais je doute que Sylvie puisse se livrer à des folies après en avoir abusé pareillement. Le mieux sera alors de déguster un chocolat !
95 rue de la Bonneterie 04 86 34 27 27, jusqu’au dimanche 29 juillet, c’est à 16h50. Soutenu par la Fédération des producteurs de Châteauneuf du Pape et la chocolaterie Castellin.
Le site de Bruno Duchâteau et Sylvie Marin, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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