Camille, magique et féérique
Liège, Le Forum, 5 mai 2018,
C’est dans le cadre d’un festival de jazz que l’occasion d’applaudir le nouveau spectacle de Camille nous a été donnée. Camille chanteuse de jazz ? Reconnaissons que le lien entre l’artiste et cette discipline ne se fait pas spontanément dans nos esprits. Mais soit !
Alors que la lumière faiblit, notre vedette casse son entrée en scène pour venir nous avertir et s’excuser : pour cause d’une toux inopportune, sa voix se trouve être un peu voilée ce soir ! Saluons ses scrupules et son honnêteté. Et reconnaissons pourtant que, hormis quelques rares fois où la montée dans les aigus s’est avérée plus douloureuse, à aucun moment nous n’avons eu l’impression d’être face à une artiste en dessous de son potentiel vocal. De toutes façons, quand on a survécu à un concert de Renaud, qu’est-ce qui pourrait encore nous affecter ?
Le concert débute très fort. Accompagnée d’un percussionniste qui rythme son chant sur son seul tambour, couverte d’un drap bleu qui nous la masque totalement telle une burka, Camille ouvre le bal par un titre de circonstance : Blue, de Joni Mitchell. C’est qu’autour d’elle, tout évoque la mer ou le ciel, les différents éléments scéniques étant recouverts de toile bleue, le tambour vertical perché là-haut faisant office de lune.
Le morceau suivant, Sous le sable, voit l’équipe s’étoffer (3 choristes et 2 autres musiciens feront leur apparition) et les instruments apparaître, les bâches bleues s’envolant pour dévoiler un piano et un synthé d’un côté, une batterie et un jeu d’instruments de percussion de l’autre. Les toiles resteront suspendues là-haut l’espace de quelques chansons, animées par un système de soufflerie qui les transforme en fantômes bienveillants. Ces toiles et draps divers auront encore bien d’autres rôles dans la scénographie du concert, mais nous n’en dirons pas davantage pour laisser la surprise intacte aux futurs heureux spectateurs. Sachez simplement que le spectacle est un ravissement pour les yeux (décors, éclairages et costumes), les oreilles (musiciens et choristes au top, chant virtuose de l’artiste), l’esprit (la conception du spectacle est ruisselante d’intelligence) et les émotions simples (sur scène, ça danse, ça bat des mains, ça pulse et ça percute… et c’est contagieux).
Toute la première partie du show est essentiellement consacrée à son dernier album, Ouï, dont Nos Enchanteurs vous ont déjà dit tout le bien qu’ils en pensaient. Fontaine de lait, qui prend des accents liturgiques par l’entremise des envoûtants chœurs féminins, Lasso et ses allitérations sensuelles, Je ne mâche pas mes mots, l’écologique Twix entonné comme un chant tribal, Nuit debout et ses réminiscences de Véronique Sanson… Avec quelques moments forts et participatifs : Les Loups, bourrée auvergnate revisitée qu’un couple du public est invité à danser sur scène avec l’équipe, ou Seeds que la troupe descend interpréter dans la salle, armée de ses tambours. L’émotion est à son comble quand la chanteuse nous offre Fille à papa, qu’elle achève virevoltante, revêtue d’une tenue blanche.
Après le bleu et le blanc, vient logiquement le rouge. C’est dans une salopette écarlate, avec des éclairages de plus en plus chauds, que Camille achève le concert. Place alors à ses titres plus anciens et plus connus : Paris, Ta douleur, Allez allez allez… avant qu’elle ne fasse monter sur scène quelques personnes du public pour une chorale improvisée sur le nom de la ville qui l’accueillait. Et en l’entendant se lancer dans ces variations sur le nom « Liège », qu’elle épelle, scatte ou décompose, on se dit qu’effectivement, sa programmation dans un festival de jazz n’est somme toute pas incongrue (mais que fait-elle quand elle chante à Romorantin ???).
En ultime morceau, Camille interprète a capella Tout dit, entortillée dans un voile de tulle rouge. Dans le noir, elle disparaît alors comme par magie, laissant son accessoire voler dans les airs, seule trace tangible de l’instant rêvé. Un ange est passé sur Liège ce soir-là.
Le site de Camille, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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