Piotr Bakal, ce Polonais en français dans le texte
Bien sûr, ce n’est pas par un tel portrait que NosEnchanteurs fera le buzz. Nous le savons. Et c’est dommage car le bonhomme vaut le détour, son tour de chant aussi. Lui est chanteur, qui chante en français. Tant de français se torchent avec leur langue en faisant qui dans une épouvantable et scolaire bouillie anglaise, qui dans l’inaudible, parfois dans les deux, qu’il est réjouissant de voir un Polonais chanter dans la langue de Camus et de Leprest. Lui, c’est Piotr Bakal, natif de Varsovie. Un chanteur, donc, dont les premiers opus chantent en polonais. Auteur, compositeur et interprète, directeur-fondateur du festival de la chanson d’auteur de Varsovie, organisateur de concerts et manager, producteur de concerts de « stars » étrangères à Varsovie : à son actif, des comme Maxime Le Forestier, Georges Moustaki, Enzo Enzo… Ajouter pour faire bon poids que Piotr Bakal est traducteur, journaliste, auteur et présentateur de l’émission de radio Boulevard de la chanson française sur la Radio publique polonaise, et vous aurez une juste idée du bonhomme : un homme ressources indispensable tant à la chanson polonaise qu’à la francophonie.
Piotr a eu la bonne idée de nous faire parvenir son nouvel album – son quatrième – enregistré à Gdansk et à Piaseczno, plus particulièrement destiné à un public francophone car entièrement en français : Fais gaffe aux paroles.
Oh, le titre est trompeur, c’est d’ailleurs notre seul reproche : vous pouvez y aller sans crainte ni retenue. C’est de la belle construction, tant dans les paroles que dans une musique qui va du grand calme à la tourmente. La voix est rugueuse, comme doit l’être celle de tout Polonais qui s’essaye au français. Le premier titre, apparemment innocent (sur la vie qui nous arrive comme un heureux hasard), pourrait rassembler Polonais et Français (et de bien d’autres nationalités aussi, je vous rassure sans l’être tout à fait) : « N’importe quel con – tout puissant / Sur l’échiquier nous déplacera / Comme un céleste démiurge / Nous conduira ici ou là / Des moutons de Panurge ».
Beaucoup d’amour dans ce disque, et les vers taillés au plus juste pour l’exprimer : « Je te donne les mots d’amour / Qui n’ont jamais existé / Je te donne les nuits les jours / Qui n’vont jamais s’terminer ». L’amour et le désamour. Le départ, la peur, la tourmente, la dureté des mots : « Tu parles, je parle / Le duel cruel / Les corps vont survivre / Les âmes sont mortelles ».
La chanson de Piotr Bakal nous renvoie le goût de celle des années soixante-dix, excellent cru soit-dit en passant. A ceci près que l’orchestration est plus nourrie : guitares, basse, contrebasse, accordéon, saxos, clarinette et batterie impulsent une réjouissante dynamique.
Notre chanteur polonais ne s’était pas produit dans l’Hexagone depuis pas mal d’années. Il vient d’achever une petite tournée passant par Toulouse, Bordeaux et Gap, en des concerts d’appartements, à la rencontre du public francophone à qui son nouvel album est destiné. A semer de tels petits cailloux, le petit Poucet qu’il est reviendra sans doute bientôt.
Piotr Bakal, Fais gaffe aux paroles, autoproduit 2017. Le site de Piotr Bakal, c’est ici.
En bonus de cet article et pour contribuer au cinquième anniversaire de sa disparition, « Ma solitude », de Georges Moustaki, en polonais, par Piotr Bakal :
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