Michèle Bernard s’offre en un nouvel album en public
La discographie de Michèle Bernard est grande, mais sans beaucoup d’enregistre- ments publics : si on excepte les deux versions des Nuits noires de monde et L’oiseau noir du champ fauve (le spectacle sur Louise Michel) celui-ci n’est que son second. C’est dire s’il devrait combler son public et, plus encore, tout amateur de chansons. Car à ce « live » s’ajoute un DVD (la captation d’une grande partie du concert ainsi qu’un entretien exclusif) et, ça, c’est une première qui faisait défaut et qu’il nous faut saluer puis savourer (1).
Sauf à vivre sur une autre planète, nous avons tous en nous un peu de Michèle Bernard, depuis ce jour, à Bourges, qui la sacra révélation d’un Printemps. Une intégrale de ses premiers vinyls, puis une anthologie de ses chansons, régalent à présent ceux qui n’ont su ou pu se constituer la passionnante collection de ses enregistrements, de La vieille chèvre d’antan aux Savons d’Alep d’aujourd’hui, de ce regard précis et puissant sur les choses du monde, de notre société. Et de nous, même et surtout si ces vers abordent l’intime.
L’essentiel de ce disque en public est fait des titres du dernier disque studio en date : treize sur dix-neuf, excellent album encore qui l’an passé valut à Michèle Bernard son quatrième Grand prix de l’Académie du disque Charles-Cros, ce qui, le sait-on, en fait la championne toutes catégories de cette indiscutable institution de la chanson. Peu de place pour d’autres titres extraits de plus lointains albums n’en offre pas moins un choix judicieux. De Maria Szusanna, cette enfant « du vent et du voyage (…) qui va sa vie coûte que coûte sur l’infini des routes », aux Baleines qui, valises en main, vont trouver sur la lune une terre plus hospitalière, sans l’Homme. D’un Je t’aime qui est sans doute une des plus belles chansons d’amour écrite à ce jour, à Quatre-vingt beaux chevaux où la force de travail est peu à peu remplacée par la machine, la dame de Saint-Julien-Molin-Molette aborde, certes avec distance mais non sans résolution nos conditions d’humains, brinqueballés au gré des soubresauts, avancées et reculades de notre société.
D’évidence, on la savait depuis toujours dans le sillage d’Anne Sylvestre, son aînée et amie. Elle le chante, ici, avec cette dernière, en visite : « Merci Madame Anne / D’avoir sur allumer / Tes fagots de sorcière / Pendant cinquante année / Dans un rond de lumière ».
En cette période où chacun d’entre nous se demande ce qu’il va bien pouvoir offrir aux êtres aimés pour les fêtes, ce disque ne se discute même pas : il s’impose. C’est à lui tout seul un bout d’humanité, qui plus est de talent. On n’a pas besoin d’aimer la chanson pour écouter ce disque, il suffit, contre vents et marées, de croire en la vie.
Michèle Bernard, Tout’manières / Scène et canapé, EPM/Universal 2017. Le site de Michèle Bernard, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là. (1) Autre DVD, celui de la collection « Tranches de Scènes » d’Eric Nadot, que tout amateur de chanson se devrait de posséder.
J’apprécie et partage tout cet article. Même que mon fils a demandé AU disquaire de Limoges (Point Show) un conseil pour offrir un cadeau d’anniversaire à sa mère… il lui conseilla cet album ! Ce qui confirme tes 4 dernières lignes !
JPaul Gallet