Pourchères 2017. Reine d’un soir
« Elle se raconte des histoires / La p’tite dame à la robe noire / Elle fredonne des mélodies / Style tragico-comédie / Elle ne chante qu’a capella / Elle ne sait faire que ça… » Reine chante des biographies, et en premier lieu la sienne. Elle est pareille à sa première chanson, celle avec laquelle elle étrenne la scène et quasiment sa carrière (ce n’est que son neuvième concert). Sa voix est juste, sensible, joli réceptacle pour l’émotion, la mélancolie : « Que sont devenus nos rêves d’enfants / Nos châteaux de sable et nos cerf-volants ? » L’art de Reine se situe entre une chanson stylée année cinquante, plus tout à fait « réaliste » mais encore un peu, et une chanson traditionnelle, celle qui, polie par le temps, a produit parmi les plus beaux titres qui soient. Il n’y a pas contrefaçon avec Reine, mais ses chansons semblent être taillées dans ce même bois : du bois de chêne et de charme, avec le bouleau qu’on devine, plutôt que du bois de cagette ; une chanson qui a de l’assise, un passé, un présent, du corps.
Trente minutes, pas plus, en « levée de rideau ». Et a capella. Dès les premières chansons, c’est partie gagnée. Non parce que le public la connait : c’est vrai qu’en tant que petite main, bénévole, elle est un des piliers de la Chansonnade depuis pas mal d’années. Reine s’était faite à l’idée que, dans l’obscurité, aveuglée par les projos, elle ne verrait pas les spectateurs, ses amis : hélas le soleil n’est pas encore couché, la lune toujours pas levée. Partie gagnée parce que, naturellement, elle crève l’écran. Avec simplicité, avec modestie, mais elle le crève. Avec talent. « Elle chasse des idées noires / Elle n’attend pas la gloire ». Son écriture est élégante, travaillée, exigeante, avec le luxe de mots parfois peu usités. Et encore, semble-t-il que nous n’ayons vu que le côté sage de son répertoire, le plus apaisé : c’est dire si ça nous tente désormais d’en écouter la face plus rude, de la voir et l’applaudir en un récital complet, en un long métrage. Reine a beau être débutante, tout est là, bien en place, bien en scène. Rien n’est ici le fruit du hasard : « Rêve ou réalité / Elle passe sa vie à la jouer ».
Une seule reprise, à la toute fin : un titre aux audacieuses conjugaisons de Marie Dubas, L’amour au passé défini. Et c’est définitif : on aime cette Reine en son royaume.
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