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Jean Dufour, 1933-2017

 

Jean Dufour au festival Chansons de parole à Barjac, en 2009 (photo Pierre Bureau)

Jean Dufour au festival Chansons de parole à Barjac, en 2009 (photo Pierre Bureau)

Il fut un de ces militants de l’éducation populaire et de la chanson : c’était au temps de la Reconstruction, où la chanson voulait participer à l’éducation du peuple, de citoyens responsables, pas l’abêtir comme elle sait si bien le faire aujourd’hui.

Dressons le portrait du bonhomme. Fils de cheminot et d’humble résistant, Jean Dufour fut ajusteur à la SNCF. Mis par le hasard de la vie et des rencontres sur d’autres rails, qui s’ajustent avec la grande Histoire, il devint à son retour d’Algérie permanent d’une association de tourisme social puis de la Fédération Loisirs et Culture cinématographique, où se crée un département « chanson ». Il fut nommé directeur de Maison des jeunes et de la culture, au mitan de leur grande période. C’était au temps où ce métier était une aventure humaine, presque un sacerdoce, où l’éducation populaire n’était pas un vain mot, pas un concept désormais vidé de son sens (que bien des directeurs actuels de MJC ne sauraient définir…). C’est là qu’il commence à rencontrer des artistes de chanson, dont Jacques Bertin, Ricet Barrier, Jacques Douai, Anne Vanderlove et bien d’autres.

Jean Dufour et Félix Leclerc (photo DR)

Jean Dufour et Félix Leclerc (photo DR)

C’est lors d’une conversation avec le chanteur Jean-Pierre Ferland que ce dernier lui propose de rencontrer Félix Leclerc. En désir de rupture d’avec Jacques Canetti, qui ne paye pas ou peu ses artistes, le chanteur du P’tit bonheur lui propose, pour « rencontrer un public plus jeune », de devenir son agent, secrétaire, chauffeur et technicien, de travailler avec lui en permanence. Tout bascule, d’animateur socio-culturel, Jean Dufour devient professionnel de la chanson au contact d’un Félix Leclerc « heureux comme un prince ». Ils iront ensemble dans tous les lieux, garages, granges et poulaillers, et « des théâtres de la Ville que nous avons souvent ouvert ou fermé ».

« LE BATTEMENT DU CŒUR DES HOMMES » "La chanson obéit toujours au battement de cœur des hommes et, en ce sens, elle est un art à part entière qui témoigne sans cesse de la vie. Mais elle est en même temps captive d’un carcan industriel et commercial dont la devise pourrait être : Ne pensez pas, consommez ! En schématisant à l’extrême, on pourrait affirmer qu’il existe aujourd’hui deux réseaux de diffusion : celui, officiel, des médias et celui, infiniment plus exigeant, mais presque clandestin, des circuits culturels. Donc, la chanson véhicule le pire et le meilleur. Il nous appartient de choisir, librement, sereinement, de refuser le matraquage et la complicité des mauvais commerçants. Il existe encore de véritables artistes et de bien belles chansons. Nous devons faire connaître notre indignation avec la même conviction que celle qui anime notre volonté d’être libre dans nos choix d’une création qui n’a rien perdu de sa grandeur et de son authenticité." (propos recueillis par Michel, du site « 3-2-1 chanson ») (sur la photo ci-dessus, prise au festival du livre de Randan, Jean Dufour est à gauche, Jacques Bertin à droite)

« LE BATTEMENT DU CŒUR DES HOMMES »
« La chanson obéit toujours au battement de cœur des hommes et, en ce sens, elle est un art à part entière qui témoigne sans cesse de la vie. Mais elle est en même temps captive d’un carcan industriel et commercial dont la devise pourrait être : Ne pensez pas, consommez ! En schématisant à l’extrême, on pourrait affirmer qu’il existe aujourd’hui deux réseaux de diffusion : celui, officiel, des médias et celui, infiniment plus exigeant, mais presque clandestin, des circuits culturels.
Donc, la chanson véhicule le pire et le meilleur. Il nous appartient de choisir, librement, sereinement, de refuser le matraquage et la complicité des mauvais commerçants. Il existe encore de véritables artistes et de bien belles chansons. Nous devons faire connaître notre indignation avec la même conviction que celle qui anime notre volonté d’être libre dans nos choix d’une création qui n’a rien perdu de sa grandeur et de son authenticité. »
JEAN DUFOUR (propos recueillis par Michel, du site « 3-2-1 chanson »)
(sur la photo ci-dessus, prise au festival du livre de Randan, Jean Dufour est à gauche, Jacques Bertin à droite)

Au retour de Leclerc pour le Québec, Jean Dufour est sollicité par Raymond Devos pour faire le même travail. Puis, avec l’agence qu’il crée avec Sylvie Dupuis, il s’occupe de Bernard Haller, d’Yves Duteil, d’Alan Stivell et, entre autres, de Francis Lemarque, Jean-Pierre Chabrol, Pauline Julien, Sol, Jacques Bertin, Christine Authier, Julos Beaucarne, Francesca Solleville, Joan-Pau Verdier, Béa Tristan, Gilbert Laffaille, Claude Marti, Philippe Forcioli, Marie-Paule Belle… Alors qu’il vient tout juste de raccrocher, c’est Jean-Pierre Chabrol qui le prend à son service.

L’histoire de Jean Dufour est plus complexe encore. C’est un travail d’éthique, un vrai projet politique qui tente de déstructurer le show-bizness, même si c’est pot de terre contre pot de fer. C’est une constante lutte pour la chanson, qui n’est pas considérée comme un art par les pouvoirs publics, mais comme une industrie cause à sa collusion avec le bizness d’argent.

La mort de Jean Dufour, c’est un pan entier de l’action et de la mémoire de la chanson qui disparaît. Par bonheur, il nous laisse quelques ouvrages (non réédités, on peut les trouver par défaut sur des sites d’occasion ou chez des bouquinistes) parmi lesquels des livres sur Jacques Douai, Félix Leclerc ou Raymond Devos. Le dernier ouvrage de Jean Dufour, que NosEnchanteurs a eu le privilège de vous présenter, est Les Frères Jacques : un nouveau regard  paru chez ce jeune éditeur qu’est Trace la vie.

Tant qu’il y aura des platines encore pour lire ce format, on gardera près de soi le précieux film de Jacques Bertin, sorti en DVD : Jean Dufour, un ouvrier dans la coulisse. Soixante-cinq passionnantes minutes où l’homme se raconte, où Bertin situe bien, avec moult repères, cet exceptionnel parcours d’homme en parallèle avec ses actions d’éducation populaire.

5 Réponses à Jean Dufour, 1933-2017

  1. Courtial Eric 26 juin 2017 à 19 h 49 min

    La disparition de Jean Dufour me touche énormément. Cet homme généreux avait tant de choses a raconter sur cette chanson française et ces artisans qu’il aura défendu, et supporté parfois. Le dur travail des hommes dans l’ombre n’est pas connu du grand public. Pourtant, des grands messieurs auront été déterminant pour des carrières compliquées. Petite fourmi ouvrière au service de la chanson, Jean était un Géant. Un monument est parti.

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  2. Christian PIERREDON 26 juin 2017 à 23 h 33 min

    J’avais eu la grand plaisir de travailler avec lui au coté de Jean Pierre Chabrol. C’était un grand bonhomme qui a su discrètement aider des gens. Il était de ceux qui n’oubliaient pas les gens de passage qui ont travaillés avec lui. Il m’a appris ce qu’était l’élégance. Je le savais malade. Sa disparition me donne un très grand chagrin.

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  3. Marie-Claire Mazeillé 27 juin 2017 à 10 h 01 min

    Lire ou relire Portraits volés (http://www.editionsbdl.com/fr/books/portraits-vols/456/). L’écriture de Jean est douce, belle, tendre, intensément humaine.

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  4. FRIGARA Claude 27 juin 2017 à 18 h 50 min

    Avec une préface de Jean-Pierre Chabrol et des photos prises par lui-même, Jean Dufour a publié un beau récit sur Félix Leclerc, « D’une étoile à l’autre ». Il a été publié par un autre homme magnifique, amoureux lui aussi de la Chanson, Christian Pirot.
    Ce livre se trouve toujours en vente sur le site de EPM.

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  5. dominique C. 28 juin 2017 à 17 h 14 min

    Invitation à écouter le micro-entretien réalisé avec lui en 2013, à Randan : http://microentretiens.canalblog.com/archives/2015/11/18/32944822.html
    D Cista

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