Claud Michaud, entre Leclerc et le foncé
19 mai 2017, salle des tilleuls à Viricelles (Loire),
Trois chansons pour fixer toute une soirée. La sirène de Lampedusa, de et par Marie d’Épizon, Le tour de l’Île, de Félix Leclerc, par Claud Michaud. Et Nantes, de Barbara, interprétée au pied levé par
Marie d’Épizon et Claud Michaud, avec des tas d’imperfections mais une émotion peu commune. Trois chansons pour trois états de cette soirée, aux propos intelligents mais graves, entre gris clair et gris foncé.
Il y a pas vingt-quatre heures, Claud Michaud était dans l’avion, entre Montréal et ici. Mini tournée de quelques dates dont Lille où, il y a pile un an, il fut hospitalisé d’urgence. En souvenir, il chante ce titre de Tachan qui lui trotta alors en tête avec insistance sur son lit de douleurs, avec la hantise qu’il ne devienne son lit de trépas : Pas vieillir, pas mourir…
Il est venu ici avec sa guitare pleine de chansons de Félix Leclerc que, chanceux dont je suis, quelques personnes dans la salle ont jadis vu en scène. Du Petit bonheur à Bozo ou Moi, mes souliers, rien n’a pris une ride. Rien et surtout pas des sujets que, plus les années passent et plus ils sont présents, précis, pressants. Comme Contumace : « Monsieur, monsieur, vous êtes sous arrêt / Parc’que vous philosophez / Suivez, monsieur, en prison vous venez / Pour philosopher apprenez / Qu’il faut d’abord la permission / Des signatures et des raisons / Un diplôme d’au moins une maison spécialisée… »
Ça et L’alouette en colère (« Et moi je sens en moi, dans le tréfonds de moi, pour la première fois, malgré moi malgré moi, entre la chair et l’os, s’installer la colère »), Les 100 000 façons de tuer un homme… Tout est actuel, tout est précis, tout se précise chez Leclerc. Pas les centres de distribution, non : le chanteur.
C’est pour ça que Claud Michaud le chante encore et toujours, non en mimétisme (même si, parfois, c’est troublant, question de timbre, de ton) mais comme un élève appliqué, je n’ose dire un disciple. Richard Desjardins, autre québécois encore, dit de Claud qu’à part Félix lui-même, jamais un homme n’a aussi bien chanté Leclerc que lui. Même si on a envie de suggérer à Desjardins le nom de Gaétan Leclerc (neveu de Félix et timbre plus proche encore) et celui, plus proche de nous, de François Béranger, on s’incline.
Avec les chansons de son aîné, Michaud nous entretient aussi de son pays, de la neige, de la drave… Du danger que représente ce fou qui dirige l’État du dessous, au sud… Claud est comme un cousin d’Amérique qui s’en vient, qu’on a pas vu depuis longtemps. Qui, bavard, nous donne des nouvelles de son pays, à l’hiver froid et le coeur chaud. Avec l’accent de rigueur, de vigueur.
Bon, ce matin, Claud s’est levé avec une voix plus grave qu’à l’accoutumée et ça leste plus encore les chansons, comme un Leclerc surajouté : c’est parfois un peu gênant.
Rien que du bonheur, ce Michaud-là. Déjà qu’avant lui ce fut d’Épizon, aussi grand régal (plus même ?), dont NosEnchanteurs vous a récemment parlé, à plus forte raison dans ce même et précieux récital, accompagnée par Thomas Fontvieille, un guitariste ma foi exceptionnel. Qui nous a interprété deux trois chansons de Barbara, avec talent certes, mais c’est dans son répertoire à elle qu’elle excelle plus encore. Permettez que je la considère comme l’égale d’artistes comme Hélène Grandsire ou Véronique Pestel, que je tiens, vous le savez en grand estime.
Tout ça vous fait une soirée d’exception, comme en génère souvent la grande saison de ce petit village qu’est Viricelles, qui l’an prochain invite Michel Avallone, Bruno Brel, Patrick Abrial, Laurent Berger, Michèle Bernard et Monique Brun… Même Saint-Etienne, à une demi-heure de là, ne sait pas faire aussi bien qu’eux.
Le site de Claud Michaud, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site de Marie d’Épizon, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
Commentaires récents