Nicole Rieu, l’espoir au féminin pluriel
De temps à autre, plus rarement qu’avant, elle met en boîte un paquet de chansons. C’est, disques pour enfants et pour Noël inclus, son 22e album que voici. Le précédent, Femmes, remonte à 2010. Ça fait bien longtemps qu’elle s’autoproduit, la fragile renommée de ses débuts, de son Eurovision, se sont estompés. C’est peut-être encore ce souvenir qui fait écran à ce qu’est Nicole Rieu, une auteure, compositeure interprète de grand talent, qui ne chante jamais pour rien et souvent fait mouche avec ses mots : « J’ai des mots qui pleurent / Des larmes et de leurres / J’ai des mots / Des mots dits / Des mots tus / A bouche cousue / Cousus de fils blancs… » Nicole Rieu capte un peu de l’air du temps, de la difficulté de vivre, de survivre : ça assombrit ses vers. Je n’ose dire les magnifie, mais. Elle est empathie. Bateau sur l’eau, Amère la mer : si naissait l’idée d’une compilation autour de la thématique des émigrés, on puiserait à ce disque-là.
Un disque, vous étonnerez-vous, très féminin. Dans l’écriture, c’est évident. Dans les personnages qui le traversent, qui le nourrissent. Avec pour personnage tutélaire Olympe de Gouges (Olympe, réveille-nous, une des deux chansons extraites du spectacle éponyme, que Nicole Rieu fit, il y a peu, avec Marie-Christine Descouard) : « La femme est à genoux encore partout / Olympe, réveille-nous… » Ici, c’est cette femme à qui son ex a laissé ses dettes et sa folie, désespérée et sans rien : « Et mon banquier qu’est-ce qu’il en dit / J’ai pas l’air con de pleurer devant lui« . Là, cette Indienne, qui n’a plus de bagages, ne dit rien et écoute, qui touche à l’essentiel…
Quatorze titres, comment vous dire ? Oui, bouleversants ! Avec au beau milieu, au mitan du disque, la salutaire et superbe reprise de L’âge d’or, de Ferré : « Nous aurons du sang / Dedans nos veines blanches / Et le plus souvent / Lundi sera dimanche ». Car l’espoir est là, à portée de chaque note, de chaque vers, au détour d’une phrase, comme en cet appel aux Enfants de la Fratrie : « Le jour est arrivé / De faire de nos utopies / La réalité / Enfant, tu tiens le monde / Où tout est pardonné / Celui de la colombe / Posée sur l’olivier. »
A la voir, à l’entendre, on pense Nicole Rieu fragile. Sa voix, délicate, sans colère malgré ses propos, est d’ailleurs haut perchée, en équilibre instable. Elle fait songer à la fable du chêne et du roseau. Elle est roseau. Elle à la guitare acoustique, soutenue par les basses, guitares, banjo et guitares électriques de Julien Rieu de Pey et, parfois, par les percussions de Maël Guezt.
« On peut parler encore / De la Liberté chérie / De ceux qui en sont morts… » En fin de disque, Onze janvier, une chanson sans parole, silencieusement bavarde, musique murmurée, belle et ample que peuvent grossir des centaines, des milliers de voix. Comme un dessin sans légende pour défiler, attristés mais forts. Un hommage aux défunts de Charlie-Hebdo.
Nicole Rieu, Où vont les mots ?, autoproduit 2016. Le site de Nicole Rieu, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
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