Yann Malau, retour d’un homme libre

Yann Malau (photo Alain Loret)

Il est un temps, après s’être un peu laissé bouffer la vie sur le dos, entre travail et soucis familiaux, où un homme libre renaît à ses envies de jeune homme, voire d’enfant. Yann Malau peut être fier d’être breton, puisqu’il a choisi de l’être, quittant Sud-ouest de son enfance et Sud-est de l’âge adulte. La mer le porte, et l’appel du large. Il fait partie de ces hommes un peu rugueux, un peu taiseux, plutôt modestes, qui par pudeur n’expriment leurs sentiments qu’en chanson. Ça tombe bien, le voici venu avec un album autoproduit dans tous les sens du terme, qui n’a d’artisanal que la passion du travail bien fait.

Il y revisite les titres de son premier enregistrement de 1995 qui est épuisé, et l’interprétation y gagne en maturité. De l’hidalgo andalou de la vieille pochette, nous voici passés au chanteur celtique. Coiffé du béret brodé de l’hermine et de l’antique triskèle, ou du drapeau breton, comme on le voit sur les photos noir et blanc qui illustrent le livret et sur la belle sérigraphie de l’ami JIHEL en couverture.

A l’écoute l’ambiance est rock folk, tendance Dylan plus que Cohen, la voix est âpre, chargée d’eau salée, et la guitare acoustique qui ne quitte son dos de voyageur que pour ses bras de musicien, mélodique et rythmée. Harmonica, clarinette, mélodica complètent harmonieusement l’atmosphère, les voix, les basses sont de ses propres arrangements, masterisées par l’ami Olivier Rech, chanteur breton récemment chroniqué dans NosEnchanteurs, qui a également réalisé la jaquette et le livret.

Tout ce qui fait la vie d’un homme y défile, la route, l’amour, le temps assassin, la mort, les sentiments qu’on garde pour soi (Les mots que je ne prononce pas de  Dominique Guillaume), aussi la chanson à boire indispensable à l’homme qui chérit la mer. Et La mer toujours, qui se devait d’y figurer,  par Christian Sautron. Tous les autres textes, en mots simples et efficaces, et toutes les musiques, sont de lui. Si Malau n’aime pas les chansons aux messages trop appuyés, trois titres cependant montrent son engagement. Hermano dénonce les victimes de toutes les dictatures, Jaurès paraît s’adresser à ceux qui maintenant s’approprient les héros des autres « Sachez que dans votre cynisme / Vous tuez tous les jours Jaurès. » Quant au « Poseur de bombe / Tueur de l’ombre / Taché du sang / De tant d’innocents » écrite il y a  plus de trente ans lors des attentats de la rue Copernic, elle  semble s’adresser aux fous qui frappent chaque jour dans le monde.

A retenir l’autodérision inventive  de cette satire des phallocrates « Au nom de ce petit bout de chair » et la plus belle des chansons d’amour « Elle est venue avec le soir / Comme l’araignée portant l’espoir. » A moins qu’on ne soit encore plus sensible à cette jalousie « du peigne dans tes cheveux. »
Laissons le conclure : « J’ai pas peur de la vie / J’ai pas peur de la mort…»

Yann Malau, album autoproduit éponyme, 2016, 15 titres. Le site de Yann Malau, c’est ici.