Imbert Imbert, à cœur et à cru
Imbert-Imbert, MJC de Venelles, 3 septembre 2016,
Rentrée en force et en tendresse avec Mathias Imbert, dit Imbert Imbert, en duo de contrebasses avec Stephen Harrison, ce musicien anglais que nous avions pu apprécier la saison dernière avec Sarah Olivier.
Vous ne connaissiez pas Imbert Imbert ? Il s’agit d’une sorte d’amazone mâle qui plutôt que de se couper un sein pour manier l’arc plus facilement, a préféré couper une manche de son polo pailleté pour dompter avec tendresse et volupté une vieille dame qui n’en finit pas de vibrer et de résonner : sa contrebasse. Silhouette fine, crête floue, jean camouflage et rangers de toile, l’artiste a laissé de côté sa panoplie de cuir punk-grunge et ses tourments gothiques pour chanter la vie telle quelle est, ensoleillant les recoins obscurs de son âme et de la nôtre par la même occasion, distillant la tendresse sous la crudité de ses propos, de sa voix douce et râpeuse comme langue de chat. Le spectacle n’est plus aussi noir qu’il a pu l’être, les yeux d’Imbert brillent et sourient en douce, comme s’il nous disait, il ne faut pas me croire quand je désespère.
Imbert n’est plus seul, il recherche la compagnie d’autres musiciens, et le duo avec Harrison si différent de culture et de physique, si complice en même temps, est délice musical. Duos de contrebasses pincées, battues, slapées, frottées, affrontées, dans une ambiance jazz, rock, parfois folk avec la ponctuation du banjo et de l’ukulélé. Le style année 30 de Stephen, son accent britannique, son côté pince [les cordes] sans rire, les gags visuels ou les bruitages [type Atari à la contrebasse] font même parfois penser à un duo humoristique.
Le spectacle fait la part belle au dernier album Viande d’amour qui, malgré son titre, parle plus de chair que de viande. Celle qui vit, qui est joie, qu’on consume, plus que celle qui est morte et qu’on consomme. Certes le temps passe, on le saisit à la gorge, ces jours qui nous sont comptés dans un monde chaotique. Certes la vie mord, et la mort est omniprésente, mais l’homme qui a « du courage pour pleurer, du courage de s’effleurer, de regarder en face l’intensité du vent », du courage pour s’indigner, pour aimer, n’est plus un homme qui se couche, mais qui marche. Cette douce ballade où l’archet frotte la contrebasse avec des silences, puis un emballement de cordes battues et pincées montant en puissance est un instant d’intense émotion. Emprunts aux deux précédents aussi, dans la même thématique.
Imbert Imbert est un obsédé. Obsédé textuel, capable de décrire à l’infini le miracle du coït en renouvelant sans cesse son expression. « Je te souris avec les yeux / Je te regarde avec la bouche / Je te salive avec les deux / Et avec ton cœur… je me touche ». «- Je me touche » reprend le public en chœur.
Sa quête : trouver le sens du monde dans la fusion des corps et des âmes qui prend un caractère quasi sacré, peut-être pour repartir dans la matrice première. Le sexe, le ventre, le cœur, l’âme et même le cerveau ne sont qu’un : « Que ma bite batte et que mon cœur bande ». Il cherche non sa moitié mais sa « tout entière », son « négatif intime », « sans loi sans permis de port d’âme (…) Rien que du plaisir de s’unir / Sans chercher à s’appartenir ». De la métaphore jardinière « T’as planté une graine dans le trou de mon cœur (…) J’ai la fleur qui pousse entre tes mains, la vie qui mousse entre tes seins » à la métaphore culinaire « Je veux sentir de loin cette odeur de brûlé / Celle de ton temps qui cuit au soleil du plaisir… / Je veux être la cerise sur le gâteau de ta vie ». Et dire qu’à l’origine il avait pour seule ambition de devenir le meilleur contrebassiste du monde. Alors que les mots lui coulent de l’âme avec une telle intensité qu’on ne peut imaginer qu’il a un jour vécu sans écrire.
La chanson lui est nécessité vitale pour parer à la médiocrité, voire à la méchanceté du monde. Côté rebelle qui apparaît lorsqu’il dénonce Le cancer des gens soumis, le racisme ordinaire « Je vomis des trucs dans les urnes / tout le fiel que j’ai dans les burnes ». Où il fait reprendre au public le Berk ou Beurk déjà titre d’une chanson du précédent et noir album Sois mort et tais-toi.
Il y a urgence à vivre « J’veux sentir la braise, les pleurs et les rires, la vie qui me baise, j’veux m’sentir. » - Catherine Laugier
La page facebook d’Imbert Imbert, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Quelle claque !
Quels textes !
Merci merci pour la découverte.
Superbe version de « La vie est belle »…à en mourir en octobre 2015 en Breakfast session à l’occasion des Rock in Loft de Paris :
https://www.youtube.com/watch?v=mF9XhQBE1YY