La vie sourit à Red Cardell
Pour bien illustrer le propos de sa chanson-titre un rien chamboulée, le nouvel album de Red Cardell se présente la tête froissée, à l’envers. Froissée mais souriante, comme l’idée du bonheur qui suinte des douze titres. Nouvel album (le 17e, disques en public inclus) où les deux « historiques » du groupe, les fondamentaux, Jean-Pierre Riou et Jean-Michel Moal, se retrouvent enfin. Il y a un an, Moal est venu dire à Riou qu’il voulait revenir dans l’aventure et tout est allé très vite… Nouvelle combinaison encore où le duo est rejoint par le guitariste Pierre Sangra, habituellement aux côtés de Thomas Fersen ou d’Alexis HK, et le batteur Hibu Corbel qu’on a souvent vu auprès du même Alexis HK et de Robin Foster.
Selon le millésime, Red Cardell est plus ou moins folk, plus ou moins rock, plus ou moins hanté par ses origines ou tenté par de nouveaux sons. On ne naît pas impunément dans le Finistère… Les airs trads qui entêtent et perfusent les portées du groupe ne sont pas très loin, réveillés par les touches inspirées du chromatique de Moal, comme « un courant d’air / une atmosphère » avec des sonorités souvent bretonnes (Un monde tout à l’envers, Une autre vie…), qui parfois font cause commune avec des sons plus méditerranéens (Je cherche, À Rochechouart, tout au bout de la ligne Bretagne-Gare Montparnasse), exotiques même (Blanc blanc), parfois moins personnels comme l’ample et superbe valse guinguette de Mirabelle : « Si j’ai passé mon temps à recoller / Tous ces petits bouts de papier / Ces mots qui se disputent / Ces rimes mal fagotées / Si je t’avais trouvé / Au coin d’une belle idée / C’est pas perdu la chance / C’est pas couvert de blanc / C’est pas tombé du ciel / C’est pas la poire la mirabelle ».
Même si jamais Riou et Moal ne trempent leur inspiration dans la même partition, c’est bien le terme de celtic-rock qui qualifie encore et toujours Red Cardell. C’est simplement moins rock que sur de précédents opus, plus « chanson », très écrit, très mélodique. Enthousiasmant.
Fait de textes inspirés, comme cet énigmatique et prenant Origine : « Un premier souffle / Une origine / Une première fois, une première lune / Qui nous enivre et vous laisse ivre / Comme une épine dans la poitrine / Qui comme un fil nous prédestine… » Comme onze autres titres, tout un album. Des mots qui tourneboulent, virevoltent au son d’un accordéon qui semble savoir tout faire et nous surprend encore. Des mots qui souvent se font cinoche, pellicule sensible « dans le fauteuil d’une salle obscure / l’après-midi d’une rupture ».
Rien que pour cet album, on en sera gré à Moal pour ce retour, cette remise en selle de Red Cardell, un des plus beaux joyaux du Finistère, foi de Kemper.
Red Cardell, Un monde tout à l’envers, Keltia Musique 2016. Le site de Red Cardell, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
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