Ottilie [B], Denis Péan et Christine Salem, tout autour de la terre
14 mai 2016, Le Petit Duc Aix-en-Provence
Pendant un an, Ottilie [B] a parcouru le monde afin d’enregistrer les prémisses de titres destinés à un nouvel album, Passage, prévu pour l’automne 2016.
Parmi ses rencontres artistiques, il y a Christine Salem la diva réunionnaise du maloya, le blues de son île, ancien chant d’esclaves subversif. La dame à la voix grave et profonde, au look à l’Angela Davis, à la rage contenue, c’est l’invitée surprise de ce soir. Elle fera la troisième de la rencontre Ottilie-Péan labellisée Gravitations (projet du Marseillais Nevche).
Tout droit arrivé d’Amérique du Nord et de Lafayette en particulier, Denis Péan, chanteur et parolier de Lo’jo, entreprend de nous faire voyager autour du monde, à la voile de ses frégates sur des mers aux criques profondes jusqu’aux terres promises, à la recherche de la Beauté du début du monde.
Sa voix rugueuse au léger accent du Sud-Ouest se pose sur les voix, tour à tour aériennes ou vibrant dans les graves, de troublantes sirènes, ses compagnes de scène et de voyage.
Remarquable, La petite bibliothèque dite, slamée puis insensiblement chantée, où l’on trouve au rayon des dictionnaires des mots oubliés « Une cafilade d’azingans coiffés d’anadèmes » (rassemblement de bohémiens coiffés de diadèmes NDLR), une vendeuse de bleuets, une Liberté fatiguée, des métroglyphes, une éclipse de lune…
Christine chante à capella une mélopée africaine envoûtante, une ode à Mandela ou une maloya dédiée à son ancien maître en chanson tué par l’alcool.
Venue de ses Alpes de Haute Provence, refuge français de ses origines métissées aux quatre-vents de la Kabylie à la Mongolie, Ottilie évoque avec Denis sur un clavier très « debussien » la « Racine carrée de nos pudeurs [où] tout doit disparaître ». Avec ces jolis mots français qui nous font rêver, éphémérides, ambroisie, braise… étincelle. Duo aussi, la très prenante C’est la vie, cette étrange sonate de l’apocalypse, titre de Lo’jo à l’origine.
Avec Christine ce sera Ne regarde pas en arrière qui joue sur l’opposition entre les deux voix dans un appel de la jungle très africain.
Pendant tout ce court spectacle ce sera « trilogue », balles renvoyées, solos, duos et trios pour nous emporter des steppes de l’Europe de l’Est jusqu’aux caps et aux îles de notre proche Afrique. Le mélodica et l’harmonium indien de Denis, le clavier dont il joue ainsi qu’Ottilie, se conjuguent au roulér, sorte de gros tambour réunionnais chevauché par Christine, au kayamb, hochet à secouement en forme de boîte, typique de son île, au tambourin et au sampler qu’utilise Ottilie.
Ses enregistrements des quatre coins du monde, elle nous les fait écouter, convoquant l’orient et sa situation dramatique où « les morts s’étalent comme la confiture », ou nous lançant des impressions sensuelles ou des injonctions de vie : « Lève la tête » ou « Tais-toi donc et chante ». Base pour le futur album ?
Évidemment on reste un peu sur sa faim avec cette rencontre quasi improvisée, quand on a assisté au spectacle solo d’Ottilie [B] avec ses musiciens. Celui d’où l’on ressort envoûté, transporté dans un univers musical, sonore et sensuel. Ou qu’on a exploré la générosité de son album Histoire d’O2, un double CD de six titres Live plus un album de quinze titres, comprenant encore en son sein non pas un titre caché, mais tout un album de huit titres où les sens font sens. CD dont seuls furent chantés L’AUToMNE « Et quand O tonne, c’est mouillage c’est l’orage c’est nouage » résonnant sur le roulér, et le rappel, Imbécile heureuse.
On pourra en juger lors du festival d’Aubercail où elle est programmée le vendredi 27 mai.
Le site d’Ottilie [B], c’est ici , celui de Lo’jo là et celui de Christine Salem ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’Ottilie c’est ici, et de Lo’jo là. Pas d’enregistrement en commun, mais une vidéo de Lo’jo chantant un des titres du concert :
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