Éric Guilleton, le temps, l’errance et toutes ces choses
S’il y a trois ans, son précédent album, Une ville, un soir, le voyait en solo, tant aux guitares, au piano qu’à l’ukulélé, opus particulièrement intime donc, il y a un monde avec celui-ci. Il y a du monde même. Guilleton y gagne pas moins qu’un orchestre, celui de DécOuvrir, issu de la festivalière école de Concèze, dirigé par Étienne Champollion, un petit génie de la musique qui déchiffre une partition comme son aïeul une pierre de Rosette. Qu’on sait travailler également avec Céline Caussimon, Émilie Marsch et quelques autres encore.
L’Orchestre est jeune, l’artiste moins, comme un vétéran, un revenu de toutes les guerres, de toutes les émotions. Et des épreuves. Avec talent, avec humilité.
Il faut d’abord s’habituer à cette orchestration, à cette clarinette qui tient tête, à ces effluves de violons, ce nouveau format, nouvelle tenue, ces habits de fêtes qui font insolite draperie.
Il y a, comme toujours chez Guilleton, le souffle de l’amour. Ni la bourrasque ni l’alizé, non, mais un petit vent bien ordinaire, fraîcheur qui s’insinue entre les vers. C’est l’inconnue qui n’se retourne pas, cette autre qui hésite entre Pierre et Paul et finalement opte pour notre héros, une autre encore qui lui tombe du ciel façon Higelin dans le jour [qui] se lève façon Carné. Rencontres fortuites, rencontres heureuses, hasard du quotidien des choses. C’est dans ces chansons-là que se nichent deux duos : l’un avec son Patricia Guilleton (Les bords de Seine), l’autre avec sa fille Margaux (On voulait).
Ce disque, Les temps d’errance (le sixième de Guilleton, enregistré « à l’ancienne » au théâtre d’Étampes, son fief), est en soit une ballade peuplée d’humains, en quête d’amour et de fraternité.
Éric Guilleton a l’élégance de phrases de toute beauté : il sait habiller des situations simples de rimes riches. Rien que les mots… que les notes parachèvent joliment.
Pas de fastes en effet dans ces tranches de vies, que de l’ordinaire, de l’humble, du modeste, du pauvre. Pas de panoramique, de films en technicolor, de strass et de chichis Là, la dame de ses pensées n’est pas de la haute, mais une intraitable banquière pour « Un truc nase, une ardoise de travers / Et mon avenir à découvert. » Car le monde est ce qu’il est : « On voulait refaire le monde, tu sais / On voulait… / Et c’est le monde qui nous a refait. » Il y a en cet opus un peu de cette défaite, que tente de contrecarrer une tendresse de chaque instant. S’il nous dit avoir « l’âme à l’enclume / la rime à zéro », ne croyez pas Guilleton : en ces temps incertains, tant qu’il en tangue, le poète-chanteur qu’il est trouve toujours et de plus belle encore l’inspiration. Non d’un ciel bleu mais de nuages faits de nuances de gris, et de formes qui épousent et suggèrent l’incongru, l’inattendu, les déconvenues. Faut-il dire que c’est (encore) un superbe album ?
Éric Guilleton, Les temps d’errance, K maïeu Cie 2015.Le site d’Éric Guilleton, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Quand j’ai rencontré pour la première fois Eric Guilleton, il y a quelques années, il avait déjà un certain talent ; depuis, il a révélé album après album un talent certain ; aujourd’hui il continue à affiner son travail encore et encore, toujours plus perfectionniste.
Tout le monde peut s’en rendre compte en écoutant ce dernier album.. même les aveugles, bien entendu !
Et je l’écoute son dernier album, depuis quelques mois déjà , avec bonheur . Chanteur, mais pas que, Eric Guilleton a mis toute sa vie au service de la chanson, en bon artisan, en bon pédagogue, Riche de ses voyages et de ses rencontres, il les partage dans des ateliers d’écritures, dans les quartiers sensibles, en prison, chanteur, poète et militant , un bel humain , tout simplement .
Ouais, un chouette bonhomme…