Paroles et Musiques 2015. Ce conte que voilà-là…
« Roméo, le conte que voilà-là », 7 juin 2015, festival Paroles et Musiques à Saint-Étienne, salle Jeanne-d’Arc,
L’affiche est alléchante : un conte écrit par Loïc Lantoine et composé par Romain Didier. Ci devant interprété, en l’absence des créateurs, par l’Orchestre Massenet et les classes Cham (classes à horaires aménagés musique) de l’école Fauriel, deux écoles voisines de la salle Jeanne-d’Arc.
Paroles et Musique a naguère déjà accueilli les contes Pantin Pantine (Leprest/Didier) et Cantate pour un cœur bleu (Leprest/Didier, avec Allain Leprest pour récitant). Ce Roméo Le conte que voilà-là fut créé à Bourgoin-Jallieu (là ou le fut Pantin Pantine) en 2013, puis joué l’année suivante à Courbevoie.
Que l’auteur de Pierrot, Nny et Badaboum soit celui d’une œuvre lyrique a tout d’alléchant à l’amateur de chansons. Mais d’amateurs de chansons il n’y en eu point, ou si peu, hier à Jeanne-d’Arc, certes jour d’orages mais quand même. Par contre des parents, en masse : faut dire qu’il y avait près de quatre-vingt-dix exécutants sur scène.
L’orchestre devant avec grand renfort de cordes (violons, violoncelles, contrebasses), la chorale juchée derrière, ça a belle allure : la scène est bien pleine. Allons-y pour Le conte que voilà-là.
Pour avoir lu, après coup, le synopsis de ce conte musical (sur le site de Romain Didier), pour avoir ainsi compris que je n’ai rien compris (et ne suis pas le seul), je crois, je suis certain que, quitte à augmenter le budget de quelques dizaines d’euros, guère plus, il est nécessaire, indispensable même, d’offrir à chaque spectateur le livret du conte : ça peut singulièrement aider à la compréhension. Car, si ce n’est par bribes, nous n’avons pas compris l’essentiel des chansons. Et avons loupé le sens général de ce Conte que voilà-là. Ce qui, vous en conviendrez, est gênant.
La faute à qui ? Pas aux gosses, pas à eux. Alors qui ? Faire chanter ensemble plus de cinquante jeunes choristes n’est pas simple : ça peut parfois faire brouhaha. Là, ça le fait. Manque de répétitions ou quoi ou qu’est-ce, l’articulation n’est pas franche et c’est au moins l’entame de chaque vers qui se perd, rendant le reste incompréhensible. On a l’impression que le travail, par les enseignants, a été fait en interne sans se soucier qu’au bout du conte il y aurait un public. Comme en interne on connaissait l’histoire, on ne s’est pas rendu compte… Aussi vrai que le narrateur, Bruno Zancolo, par ailleurs metteur en scène de cette adaptation, nous parlait de cette fin de festival alors que nous n’en sommes qu’au début : à côté de la plaque, vraiment, dans son truc à lui et pas dans la chanson, autiste ou égoïste, en tous cas pas dans le sens et l’identité du festival, indifférent à son déroulement.
Que nous reste-t-il de ce nouvel « Il était une fois » aux mots délicieux (pour le peu qu’on a pu les comprendre) et peu convenus signés Loïc Lantoine ? Une agréable impression, un bel après-midi, mais pas d’histoire, pas de conte. Des morceaux de chansons qui, mis bout à bout, ne nous disent rien, si ce n’est une possible fronde de gosses prenant le pouvoir sur les contes : « Mais c’est n’importe quoi ton histoire. C’que tu racontes on n’y crois pas, t’as plus qu’à recommencer… », « C’est nous les chefs de l’histoire / Tu vas voir, tu vas voir / C’est nous qu’on décide de tout, comme des fous… » Et rien d’autre. De guerre lasse, à ne pouvoir, à ne savoir déchiffrer, on abdique, se laissant bercer par instruments et voix confondus.
C’est con car ce conte-là était à mon sens la pièce maîtresse du festival, en terme de transmission. Pour des tas de raisons que souvent ici, sur ce site, nous tentons d’analyser, de comprendre, la chanson est en chute, perdant ses repères et ses relais. Là, des gamins touchent la chanson, qui plus est par une presque création et c’est, sur le papier, passionnant, enthousiasmant. C’est un pari sur l’avenir, faire la nique à tous ceux qui méprisent la chanson, font obstacle entre elle et nous. Et ben, au final, c’est loupé, c’est raté. Par manque de temps, de travail, de sérieux (des enseignants), on ne sait. Mais c’est loupé.
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