Annick Cisaruk, la plus-value de Ferré
23 février 2015, Le Mélange des genres, Paris,
Reprises toujours… Mais pas d’effet de mode en ce cas : Annick Cisaruk est interprète. Elle le fut de Barbara, elle l’est de Ferré. La voix Ferré la mène parfois loin, elle et son accordéoniste et complice David Venitucci : dans l’espace francophone, mais aussi sur les routes du Nicaragua et du Costa-Rica, au Guatemala comme au Salvador.
Ce soir, elle est presque au Bataclan, à deux pas : en sous-sol du bar d’à côté, Le Mélange des genres. C’est pas grand, mais y’a d’la place, bien soixante spectateurs. Des parisiens comme des gens de province, de belles personnes de la chanson aussi.
Rudimentaire, pas de savants éclairages, de noirs, de rond de lumière ni de rideau qui s’ouvre et se ferme sur l’artiste. Rien que David et son soufflet à touches, juché sur un haut tabouret, et elle, micro en main, à quelques centimètres de vous, à mêler son regard au vôtre, à chanter tant avec ses yeux qu’avec sa voix, à croire qu’elle ne chante que pour vous. Que pour moi.
Eux et un répertoire de premier choix, une sélection sur l’amour selon Ferré, celui qui vient, celui qui va, qui s’en va. Ça t’va ? Ça nous convient.
Ils sont nombreux à reprendre Léo et NosEnchanteurs s’en fait régulièrement l’écho, couchant sur le clavier ses récoltes et révoltes d’émotions. Parfois la cueillette est maigre, parfois trompeuse ; là, elle est copieuse, somptueuse.
C’est aux titres les plus en vue de ce répertoire (C’est extra, Je te donne, Marizibill…), ceux dont nous avons encore la voix, l’intonation de Ferré en nous, qu’on peut le mieux mesurer, se faire une idée de ce que Cisaruk prend à Ferré, de ce qu’elle apporte en échange, de ce qu’elle nous restitue. Pas de copié-collé ici, de copie conforme. Vous allez me dire que c’est une femme et que forcément ce ne peut être pareil, que ça peut n’être au-mieux-au-pire que Ferré au féminin. Bien sûr, la féminité de Cisaruk crève l’écran noir de nos nuits blanches, bien sûr. Mais ça va bien plus loin. Annick Cisaruk s’approprie les mots, pas la posture. Pas d’imposture donc : elle est elle, fait miel d’un matériau d’exception, qu’elle traduit, qu’elle travaille, qu’elle digère et régurgite. « Sur la scène y’a des mots qui ne demandent qu’à se placer / Sur la scène y’a des airs qu’ont l’air de n’en pas avoir… » Pas un seul moment Ferré ne s’impose à nous, si ce n’est, parfois, en lointaine filigrane. Tant qu’on pourrait croire que ces vers n’ont été écrits que pour elle, que par elle. Y’a pas grand’messe, pas pèlerinage : on ne s’en vient pas voir et entendre Ferré mais bien Cisaruk faire vivre le répertoire de Ferré et de quelques de ses poètes (Verlaine, Apollinaire…), lui faire prendre l’air. Oserais-je dire le dépoussiérer sans m’attirer les foudres des gardiens du temple, des autoproclamés es-Ferré ?
« Ne chantez pas l’amour ! » c’est dit, typographié sur l’affiche. En conséquence de quoi Cisaruk célèbre l’amour, « le chante et le module, le caresse et le crie, l’étrangle et le ressuscite, lui donne des ailes pour l’éternité » comme écrit Jean-Paul Liégeois, son quasi-biographe. « Ton style c’est ton droit quand j’ai droit à ton style / C’est ce jeu de l’enfer de face et puis de pile / C’est l’amour qui se tait quand tu ne chantes plus / Ton style c’est ton cul c’est ton cul c’est ton cul. » C’est vrai que, par elle, au sortir de sa bouche, de ses lèvres, l’amour est plus encore l’amour, j’oserai prétendre que Ferré est plus encore Ferré : Cisaruk est once de plus-value. Léo doit en être content, fier de sa recrue.
Le site d’Annick Cisaruk, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs à déjà dit d’elle, c’est là.
J’en suis sur le …cul !
Quelle femme , et c’est aussi bon dans le style épique, La mémoire et la mer : http://youtu.be/qspRRgt7eCU?list=PLjgARH5GHfS_XY7VR0vVzJrJm6ysOG4kX, avec un accompagnement musical exceptionnel.
Ça vit, ça pulse, c’est fort, c’est doux, et quelle voix splendide
J’aime bien » la plus- value de Ferré » , une très grande interprète, Annick Cisaruk, qui fait corps avec son accordéoniste, les mots, les sons se mêlent tout en harmonie, elle donne une nouvelle vie aux mots de Ferré, avec sa voix, son visage , ses gestes à elle , comme David Venitucci donne un nouveau souffle aux mélodies . Oui, c’est bien ça, à tous les deux, ils » dépoussièrent » , tout comme Valérie Mischler et ses musiciens l’ont fait avec Dimey .