Ipso Facto, « Cache ta joie » tiré de la manchette de Matrat
« Cache ta joie » de Factory, samedi 19 juillet, Saint-Romain-en-Gier (Rhône),
La Bricotte, à quelques kilomètres de Givors : scène et buvette sont à l’abri d’un hangar qui jadis servait de dépôt aux services techniques. Le vent chaud nous fouette le visage. Trois groupes de Vienne, de Bordeaux et des Landes. Puis le régional de l’étape, qui est là la star incontestée. Qui ? C’est selon. Ou Factory, le groupe mythique des années 70, dont l’ombre plane sur la soirée. Ou Matrat, son leader, rockeur fait icône. Ou encore « Cache ta joie » : 35 ans après sa création, avec trois autres musicos, Yves Matrat et Lahmi « Puce » Saïbi rejouent la partie musicale de l’opéra-rock co-créé par l’auteur de polars Jean-Patrick Manchette et par Factory.
« Ce n’est pas la re-création de Factory, ni un hommage, ni un revival » me dit Matrat avant son entrée en scène. Alors quoi ? Simplement le plaisir de se remettre en bouche et en énergie ce répertoire mythique, lumineux, incandescant, silencieux depuis lors. L’an passé, au même endroit, une tentative avait eu lieu déjà, mais sans ce bolide, sans Matrat. Qui n’a jamais vu, entendu Matrat ne peut savoir. Si les critiques musicaux avaient plus de talent que de merdeux a-prioris, ils reconnaitraient en Matrat le plus grand rocker français, à l’aune d’un Mick Jagger et c’est peu dire.
La foule est importante et familiale. Avec grand renfort de vieux rockers, tempes blanches, crânes dégarnis, de ces fans qui connaissent Factory sur le bout des doigts, par corps et par cœur. Que des historiens à vous refaire les combats de naguère, les scènes mémorables, l’ascension puis la chute de ces p’tits gars de Givors. Public généreux, fantastique, nous sommes loin de tout, de toute pression. Puce et Matrat réveillent cette part de Factory qui est en chacun de nous, paradoxalement loin de toute nostalgie : c’est bien au présent que l’un joue, l’autre chante. Les mots n’ont pas pris une ride, trop-plein d’un malaise sociétal non expurgé depuis. Tout nous parle ici d’identité, que ce soit dans le travail que dans son être : Factory avait à l’époque un train d’avance sur tout le monde. Ce n’est ici que la partie musicale de ce que fut la création de Manchette : Matrat insère juste quelques mots de l’écrivain entre les chansons. Dix chansons, c’est peu mais anthologique. C’est fabuleux ! Et puis les nombreux rappels qui exploreront d’autres facettes de Factory, d’autres tubes. Même et surtout Les mots doux, A la claire fontaine aussi, deux de ses grands classiques.
Matrat est un fou, un génie. Tout en lui épouse sa musique, ses chansons : ce visage qui se tord, ces mains qui dessinent les maux pris à la gorge des mots, ce corps en transes qui éructe d’étranges chorégraphies… Il en est beau, il est beau, il a vingt ans depuis longtemps, pile l’âge qui coule en ses artères, à faire pâlir tous les autres rockers, les démonétiser. Sauvons la mise, mec !, Cache ta joie !, Jette un sort !, Tire une jatte !, autant de titres que d’injonctions, de grands moments d’un concert entre tous flamboyant.
Il fallait être là. Concert-collector, unique, qui longtemps nourrira l’émotion, les souvenirs. Le biographe de Factory peut ajouter un chapitre, un codicille : ce Rock à la Bricotte fait déjà partie de l’Histoire.
Parmi ce que NosEnchanteurs a déjà écrit sur Matrat, c’est là. En vidéo : Cache ta joie, à l’époque :
Quand je suis arrivé dans les environs de Saint-Etienne, il y a pas loin de trente ans, sachant que j’aimais la chanson, on m’a parlé de Bernard Lavilliers, un peu. De Michel Corringe, beaucoup. Et de « Cache ta joie », qui était encore dans toutes les oreilles. Un copain de l’époque, fou de musiques, me certifiait qu’il n’y avait que deux très grands chanteurs au monde : Mick Jagger et Yves Matrat. Moi je ne connaissais pas encore Matrat, je ne savais pas que j’allais m’en faire un grand ami… A la Bricotte, j’ai revu ce copain, Ahmed, après quatorze ans d’absence. Nous étions enfin réunis, lui, Matrat et moi.
Yves Matrat chante aussi (très bien) la reprise…http://youtu.be/oDAdTkESBrU. Nombreuses version récentes de « Cache ta joie » mais toutes de mauvaise qualité…
Ce que je viens de lire de la part de Michel concernant le concert « Cache ta joie » de samedi dernier 19 juillet m’invite à demander à tous ceux qui ont quelque lien informatique que ce soit avec moi , d’aller savourer les lignes de Kemper. Merci Michel
Je n’ai pas pu assister à ce concert samedi… un peu en berne financièrement… j’aurais tant aimé y être…, mais je savoure à plein ces lignes de Michel Kemper qui me font un énorme bien… merci à lui et à toi, Yves, pour me permettre cette lecture. Factory est une partie de ma vie… et toujours présent. A force de l’emmener partout toutes ces années, j’ai fini par égarer le double cd « bande à part » (snif !), mais je conserve toujours le 45tr « zazous » ainsi que « les écrits de la voix », avec tes bienveillantes dédicaces… bien à toi et à puce ce guitariste de ouf… et à l’auteur de cet prose.