Le patrimoine chanson revisité par Moussu T e lei Jovents et par Corentin Coko
De tous les arts, le seul qui constamment renie son passé, sacrifie son patrimoine, s’en moque comme de l’an quarante, est la chanson. Un peu comme si le théâtre conspuait Molière et Shakespeare, Beckett et Jean Vilar ; comme si le cinéma brûlait la pellicules de Pépé le Moko et de La Strada, comme si on décrochait Bruguel, Manet et Monet des cimaises de nos musées, comme si on brûlait Victor Hugo, Jules Verne et Colette. C’est à peut près ce que la chanson fait chaque jour, niant son passé, ne vivant que pour l’instant présent. Seule l’industrie phonographique, finalement moins stupide que les pouvoirs publics, se permet quelques retours dans le passé, histoire d’encore se faire un peu d’argent.
Ils sont peu ces artistes qui explorent le passé de la chanson, autrement qu’en reprenant Brassens ou Ferré. Raison de plus pour les mettre en valeur.
Parlons justement de Moussu T e lei Jovents et de Corentin Coko…
Rappelez-moi le nom de ce natif de Cette qui chantait Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part… Eux sont nés à La Ciotat. Bouffés au pur talent, le vent a depuis longtemps amené leur chant à nos oreilles. Si la notoriété les a porté loin, n’empêche qu’ils ne chantent jamais que leur port d’attache, entre Marseille et Toulon. Sous des airs pimpants, une enviable faconde et une posture très dans le ton « groupes festifs », nos Ciotadens font dans l’archéologie chantée, labourant le sol et le reste de la gamme à la recherche de joyaux occitans ou français, créant à eux seuls une subdivision de la chanson : un blues méditerranéen par lequel ils exhument et étalent leur patrimoine. Leur nouveau cédé est à nouveau une merveille : avec Opérette, Moussu T e lei Jovents s’emparent des airs de l’opérette marseillaise (celle qui, faite à Paris, n’en comporte pas moins les ingrédients de l’âme méridionnale), se les approprient avec gourmandise et espièglerie et rendent ainsi un remarquable hommage aux inventeurs du genre. Adieu Venise provençale, Autour de la Corniche, Miette, J’aime la mer comme une femme, Voli anar monte vas… nous remontent les fragrances des opérettes de René Sarvil et d’Henri Alibert, de Vincent Scotto, de revues et de cinéma, de Joséphine Baker aussi, non tirées d’un quelconque musée mais recrées pour l’oreille des auditeurs d’aujourd’hui, dans un bain de culture propre à Moussu T, fait de blues, de folk, un peu brésilien même, de joie de vivre et d’identité, tant et si bien qu’on pourrait croire ces chansons extraites de leur répertoire coutumier. Ce disque est un concentré de purs plaisirs. Chaque disque de Moussu T e lei Jovents est un chef d’oeuvre, celui-là peut-être plus encore.
Moussu T e lei Jovents, Opérette, Le Chant du Monde, 2014. Sortie du disque le 1er juillet. Le site de Moussu T e lei Jovents, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Moussu T e lei Jovents, c’est là.
Le biterrois Corentin Coko aime tant la chanson que, malgré son jeune âge, il va même la dénicher au grenier, dans la malle de ses aïeux. Et se fait plaisir d’exhumer et de faire vivre à nouveau des merveilles totalement oubliées, de leur donner un coup de jeune. Son Cabaret des chansons oubliées en propose cinquante, tirées au sort par le public à chaque représentation. De ce spectacle il en tire un disque où il n’en conserve que la moitié. Merveilles, le terme n’est pas exagéré. Si Coko nous chante ce que s’étaient mis en bouche avant lui des Fernandel, Gabin, Trenet, Piaf, Oswald, Georgius, Sablon, Fréhél, Ventura, Solidor etc, c’est toujours par la « face b », la rareté, le pas ou plus connu du tout, l’oublié. Les perles d’une chanson réaliste, populaire, tragi-comique, où culmine l’amour en tous ses états, brossant avec gourmandise des portraits avec, en filigrane, toute une époque que nous ne pouvons connaître. Un récital (l’enregistrement est en public, avec la jolie complicité de Barbara Hammadi au piano) pas nécessairement réservé au troisième âge mais à tout amateur de chanson, celle dite à texte, bien écrite, truculente, qui parfois dit des choses énormes, des horreurs, en toute naïveté. Et vous balance mots doux et onctueuses mélodies, vous charme, vous distrait. Par son interprétation, Coko abolit le temps : ce n’est pas récital à l’ancienne, c’est chanson du temps présent. Un coup de jeune, oui, ça s’entend.
Coko, Chansons oubliées 1930-1939, Sur l’air de rien 2014. Le site de Coko, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Ils sont très sympathiques, et j’aime bien leur musiques mélangées et leurs chansons de » blues méditerranéen » , mais je les ai entendus parler de Mistral , il faut quand même préciser que Mistral écrivait dans sa langue maternelle, le provençal, et non pas » l’occitan » . Je ne vais pas m’étendre, mais pour moi, l’occitan est un mythe , il y a une grande diversité de langues d’oc .