Retour au bercail : Ah, tu Ferrat, tu Ferrat…
Une fois rendue à Nicolas Bacchus la co-paternité (sans PMA…) de ce titre affligeant, laissez moi vous conter,
chers petits amis, la belle et lumineuse histoire de cette soirée d’ouverture du festival Aubercail, huitième du nom.
Bon, je préfère vous prévenir tout de suite : ça commence comme dans un rêve. Et ça se poursuit de même…
Il était une fois…
Ah oui, sachez pour les moins parisiens d’entre vous (il en est…) qu’à la sortie du métro Corentin-Cariou, tout près du Parc de la Villette, une navette fluviale assure le trajet,via le canal, jusqu’à l’espace Fraternité, sis au coeur du magnifique Magic Mirrors, chapiteau des années 20 tout de miroirs, de bois sculptés, de velours rouges et de parquet de chêne.
Alors, quelle belle mise en bouche que de faire le trajet, moderne pirate, seul sur un bateau de plusieurs dizaines de places et de voir apparaitre au loin cette belle île au trésor…
Une fois, donc, débarqué en ce bel endroit, nous voilà rassurés, les lieux sont combles et, accueilli chaleureusement par la fine équipe de bénévoles de l’ineffable Thomas Pitiot, nous nous préparons à savourer comme il se doit cet hommage collectif à Jean Ferrat, une soirée sous le signe de l’amitié et de la moustache, donc…
Belle trouvaille du maitre des lieux, la soirée est organisée en deux fois deux plateaux de trois artistes chantant chacun deux titres (à vos calculettes !), ce qui la rend parfaitement fluide et agréable à suivre, les participants alternant de surcroit leur présence au micro. Et c’est parti pour une superbe mosaïque de talents divers, belle occasion de (re)-découvrir Ferrat et de le dépoussiérer quelque peu, si tant est qu’il en ait eu besoin.
1er plateau :
Wally ouvre le bal, moult kilos en moins pour ceux qui le suivent depuis un bout de temps, mais toujours un coeur en or et un talent gros comme ça (« L’amour est cerise« , »Ma Môme » en version makossa, en griot scatteur azimuthé qui retourne la salle). Du grand Wally !
Puis Jérémie Bossone reprend « Potemkine » façon guitar-hero bondissant, avec ce petit côté Nilda Fernandez dans la voix qui le rend si attachant. Très bonne idée ensuite d’exhumer en guitare-voix très dépouillée « Oural Ouralou », petit bijou de tendresse canine. On ne peut que songer à Desproges à cet instant : « Il y a plus d’humanité dans l’oeil de mon chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son oeil… ». Fin de la digression personnelle.
La talentueuse Zora (en concert à Aubercail vendredi soir) nous régale à son tour d’une superbe version chaloupée et orientalisante d’ « En groupe, en ligue, en procession« , suivie d’une relecture reggae/dub très réussie des « Noctambules« .
2e plateau :
Changement de registre avec la soprano Valéria Altaver, toute en crinière et habituée aux grands rôles du répertoire lyrique (« Que serais-je sans toi ? », un peu maniéré peut-être, et « Horizontalement« , qui emporte finalement l’adhésion avec un réjouissant petit côté Catherine Ringer.
Francesca Solleville ensuite, (« Ma France« , « Un air de liberté« ) parfaitement légitime évidemment dès qu’il s’agit de Ferrat, dont on peut apprécier ou pas le timbre de voix, aux dires de mes voisines dans la salle dont les commentaires durant la soirée furent emplis de bon sens pertinent… Jules enfin (en concert lui sur cette même scène samedi), dont on aime le côté bad boy sous des dehors d’enfant de choeur, avec un petit quelque chose de Nicolas Peyrac dans la voix, pour une version très dylanesque, harmonica compris, de « Nuit et Brouillard« , suivie d’un twist endiablé sur « Si j’étais peintre ou maçon« .
L’entracte est l’occasion rêvée de faire de fort belles rencontres conviviales et inter-générationnelles, dont celle de l’immarcescible Norbert Gabriel qui signe les magnifiques clichés illustrant cette chronique…
L’occasion également de profiter pleinement de cet accueillant cocon quasi utérin en cette nuit tombée, d’autant qu’une petite pluie de printemps est venue fugacement plic-ploquer (je dis ce que je veux !) sur la toile du chapiteau, ravivant des souvenirs de gamin et de cabanes perdues. Diapré des lampions chatoyants d’une héroïque kermesse, le public ravi s’abandonne entre les bras de velours obscurs de cet antique et chaleureux OVNI qu’est le Magic Mirrors en cette soirée enchantée…
Mais chuuut, c’est déjà le moment de retrouver sur scène le…
3e plateau :
C’est à la jeune Julie Rousseau qu’échoit le redoutable honneur d’ouvrir cette seconde partie, ce dont elle se joue avec grand brio, reprenant de sa belle voix claire et bien posée, en formule voix/accordéon « Tu aurais pu vivre encore un peu« , puis, avec une vraie présence, un « Maria » d’anthologie qui fait se dresser les poils sur les avants-bras de l’assistance (sondage Ifop express réalisé sur un panel représentatif de la-dite assistance, à savoir mes deux voisines pré-citées, que je salue d’ailleurs). Julie Rousseau qui participe par ailleurs actuellement au très beau projet collectif à cappella de Gildas Thomas, spectacle dont nous aurons l’occasion de vous reparler en ces lignes…
L’incontournable Michel Bühler pose ensuite sa belle voix grave de fond de terroir sur la « Complainte de Pablo Neruda« , avec les choeurs du public sur le refrain, puis sur « J’entends, j’entends« , poignant au possible. Qu’il me soit permis à cette occasion, pudique que je peux être dans la vraie vie, pour lui témoigner ici la vraie affection artistique que nous lui vouons en ces pages. Voilà…
Tedji, enfin, que je découvrais sur scène, une belle présence encore, pour une interprétation du « Bruit des bottes » en tango-rap façon Gotan Project, un joli flow en équilibre sur une syncope vertigineuse, puis « Je ne suis qu’un cri » en version jazzy avec pseudo orgue Hammond, et un phrasé intéressant à la Boby Lapointe.
4e plateau :
Toujours un choc de voir et revoir le dandy-punk Imbert Imbert sur scène, toujours accompagné de sa grosse madame Imbert de contrebasse. Pour commencer, une version taillée à l’os de « A la une« , les cordes slappées telle une sourde pulsation cardiaque. Et puis, il fallait l’oser, une reprise très, très sobre et très émouvante de « La Montagne« , repris d’une seule voix par tout le chapiteau. Whaooo !
Nicolas Bacchus ensuite, fidèle à lui-même commençant par un hommage à Trénet avant de se reprendre et de se mettre en dix secondes le public dans la poche-revolver en interprétant, façon mérengué déjanté, « Pauvres petits c… » avec la verve et la faconde qu’on lui connait. Ambiance disco ensuite pour un « Hou! Hou ! Méfions-nous » qui met littéralement le feu au dancefloor, soutenu par une batterie omniprésente et une grosse pédale bien lourde. (Quoi ? Hein ? Non, rien..!).
Et puis, last but not least comme on dit en portugais, Claudine Pennont, choriste à l’occasion aux côtés de Kassav ou de Philippe Lavil, qui nous ravit d’une belle voix de gospel sur « Aimer à perdre la raison« , avec un coffre à la Fabienne Thibeault.
Le second titre « La femme est l’avenir de l’homme« , introduit par une caisse claire martiale, est empreint d’un peu plus de sobriété dans l’interprétation, ce qui lui sied fort bien, et finit par s’emballer en une agréable version biguine.
Et mettre la biguine à la fin, c’est fort, avouons-le !
Histoire de terminer d’enflammer les coeurs et les corps, un final collectif et débridé sur « Eh, l’amour ! », joli point d’orgue singulier et pluriel à ces délices et à ces amours…
N’oublions pas de signaler et de saluer comme il se doit les excellents musiciens ayant accompagné tous ces artistes, à savoir Michel Kanuty (piano), Yvan Descamps (batterie, percussions), Viviane Arnoux (accordéon) et Franck La Rocca (basse).
A noter enfin que ce beau spectacle sera, à priori, visible à nouveau courant octobre à l’Espace Paul-Eluard de Stains.
Et qu’à mon modeste avis, il mériterait d’être gravé sur disque.
Merci à tous les organisateurs, et merci à toi, adorable lecteur, mon semblable, mon frère, d’avoir lu jusque au bout cette roborative chronique d’une soirée unique…
Je rejoins les points de vue de mon co-équipier, avec une petite réserve toutefois, sur quelques interprétations qui ont la fâcheuse manie d’enlever de la musique pour faire quoi au juste ? créatif par élimination ? Aurait-on l’idée saugrenue de refaire un tableau de Van Gogh avec moins de jaune?
Un grand bravo aux musiciens, excellents. Les mises en lumière sont parfaites, et bravo à tous pour cette soirée très vivante, très joyeuse qui aurait bien plu à Jean Ferrat. Dans tous ces mots croisés et entrelacés, verticalement ou horizontalement, on a pu vérifier une fois de plus que la chanson de Ferrat est toujours d’actualité. On se demande parfois s’il y a lieu de s’en réjouir…
On a envie de dire encore, encore à la fin de cette belle histoire ! tous ces jeunes chanteurs ( oui, même Francesca et peut être surtout Francesca ! je dis ce que je veux …Aussi !) avec Ferrat au cœur , sur tous les tons , et les chansons reprises en groupe, en ligue, en procession par le public, ça devait être bien, comme en témoignent cette chronique et les photos superbes de » l’immarcescible Norbert Gabriel » .
Hé bien franchement, je ne peux pas résister au partage de ma joie de lectrice ! Quelle belle chronique avec ce brin de distance, d’auto dérision qui sied à notre site. Ensuite, bien sûr, une certaine curiosité à découvrir les invités et le choix de leurs chansons… Juste un regret : ne pas avoir assisté à cette fête là et avoir vécu cette traversée nocturne dans l’univers de Ferrat.