La Bergère, instants d’éternité
Ce papier remonte à novembre 2003, lors du festival Les Oreilles en pointe, ce soir-là dans la petite commune de Planfoy, sur les hauteurs de Saint-Étienne. Sylvie Berger, dite La Bergère, avait sorti l’année précédente un premier et magnifique album, Ouvarosa. En 2006 elle sortira Fi de l’eau. Les deux cédés sont produits par Le Roseau.
Archive. Nous sommes dans un entre-deux, entre une tradition oralisée et une écriture puissante, que renforce à l’évidence la crème littéraire (Victor Hugo, Gaston Couté, Françis Carco, Paul Fort…) par La Bergère conviée. Entre une musique qui ne peut cacher l’empreinte d’un temps révolu (jadis on disait folk, on dira trad’ désormais) et une modernité sublimée par la constante émotion. Qui de dieu, qui de diable, peut donner à femme telle voix, une voix à laquelle on accole sans peine le mot pureté ? Comment la chanson, par La Bergère, peut-elle être aussi fluide, aussi claire, sans renfort aucun d’artifice ? Sylvie Berger (notre Bergère) a la voix comme perle de pluie, goutte gorgée de poésie, comme grume de raisin le serait de soleil. « Et nous irons en France sur un vaisseau d’argent / Grandes voiles carrées pour accrocher le vent » : chassez ou masquez la tradition que, par La Bergère, elle revient de plein droit. En de petites touches impressionnistes (« Semer des petits cailloux blancs / Poser mon chemin lentement / Me retourner de temps en temps / Semer des petits cailloux »), en de dolentes et chaleureuses promenades (« Ouvarosa, où va Rosa quand elle s’en va ? ») qui, immanquablement, nous renvoient (difficile alors de n’y pas songer…) à la matrice Yacoub. Tout est subtil, léger, même – c’est dire – quand La Bergère s’en va exhumer de délicates chansons anciennes où l’amour s’exprime en des termes que ni Pierre Perret ni Gérard Morel ne renieraient aujourd’hui : c’est joli quand toute une salle reprend en chœur « Mon berlinget, mon berlingo, mon bon endroit » comme un manuel féminin très adroit au seul usage des hommes gauches. Sylvie Berger, avec la bienheureuse complicité de Julien Biget et d’Alain Bruel (ce dernier remplaçant au pied levé Emmanuel Pariselle alors souffrant, tellement qu’il a dû tout apprendre du répertoire l’avant-veille…), nous a offert un récital rare, précieux, d’une chanson dont on imagine difficilement l’existence, pont lumineux qu’elle est entre profane et quasi sacré, entre érudit et populaire. Éternelle donc.
Le site de La Bergère.
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