Évasion est désertion
A quelques semaines de Du vent dans les voix, leur nouvelle création présentée du 8 au 31 juillet au Off d’Avignon (au Théâtre des Lucioles), retour sur les jeunes femmes de cet étonnant groupe qu’est Évasion.
Archive. « Tant qu’il y aura des cons il y aura de l’argent / Tant qu’il y aura des hommes il y aura du sang. » Si le chant du monde d’Évasion pouvait auparavant, dans la diversité de ses langues, ne pas être tout à fait compris (quoique…), la nouvelle création de ce groupe féminin ne nécessite aucune explication de texte. C’est direct, franc et sans la moindre illusion : « Je crois en l’homme, ce fumier, cet ordure. » C’est dit, acté, chanté. Qui plus est par Évasion, c’est-à-dire par la force de ses voix qui s’additionnent et se répondent en un chant majeur, universel. Un groupe féminin par qui on va boire au chant, vers qui on va se repaître goulûment. Un groupe d’une indicible et digne beauté, d’une grâce farouche et déterminée. A écouter Évasion dans ce répertoire inédit, les idées se bousculent. Il y a parfois en elles comme un chant incantatoire, tel ceux des chamans… Elles se parent du beau pour mieux sortir leurs griffes acérées, elles fustigent ceux qui « Pour la peau du tambour / Sont prêts à donner leur peau. » On pense à Renaud pour qui la femme n’est que sagesse (à part peut-être madame Thatcher…) face à la furie du monde. On pense à Lysistrata, cette antique pièce où les femmes font grève de leur corps et de l’amour pour convaincre les hommes de cesser toutes guerres. On ne voit par Évasion que sagesse face à une clinique analyse d’un monde qu’elles adorent autant qu’elles exècrent. Que ces jeunes femmes n’aillent jamais chanter au théâtre des armées sous peine de le désarmer, d’en faire des cohortes de logiques objecteurs, de possibles déserteurs. Car Évasion est désertion. Ces chanteuses guerroient contre l’incommensurable bêtise avec, pour antidote, l’idée d’une seule et unique terre. Et avec celle de la tendresse : l’Afghane se déshabille de sa burqa et chante son désir d’amour physique, un amour qu’elle s’est choisie, différent de celui qu’on lui impose… La chanson est agréable mais toute petite chose quand elle n’est que chansonnette. Elle est grande quand elle porte en conscience la douleur d’être, la dénonciation d’un monde fou, la détermination d’en changer. Évasion est pièce rare de cette chanson-là.
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