Matrat en récits d’Yves
Il y a pile trente ans, sur la scène de la stéphanoise Comédie, il nous faisait Cache ta joie ! C’était l’époque Factory, son point d’orgue, sa médaille, sa botte secrète, qui, avec élégance, tire de sa manche son Manchette…
Yves Matrat, 17 avril, salle Dorian à Fraisses.
On se demande à quoi Matrat peut carburer. Quelle essence pour quels sens ? Il déboule en boule d’énergie. Et jamais ne faiblit. Il est folie autant que sensualité, se délectant des mots, des sons, qu’il articule avec précision, avec rare délectation. Matrat est en récits d’Yves, dessinant des personnages sur la toile de la vie, de la sienne, de celles d’autrui, avec le trait ici de Picasso, là de Modigliani, en convoquant d’autres encore pour le plaisir, pour l’hommage, pour illustrer son propos : Rimbaud, De La Tour, Verlaine, Manchette toujours… Des anonymes aussi, comme celui-ci, extrait d’Anatomie du désir : « Il est dessinateur en tatouage / Un licorne sur le cou / Un éléphant sur un genou / Et vers le sexe il fait un coquillage… » Et Georges et Jacques et Léo, tablée de géants, icône entre toutes célèbre, qu’il fait revivre par trois chansons, une pour chacun de ces grands : La non demande en mariage, Le temps du tango et Comment tuer l’amant d’sa femme ?… Dieu que Brel va bien à Matrat ! La scène fourmille de mille noms et grouille d’un seul, d’un Matrat inspiré, admirablement servi par ses deux complices que sont Christian Devaux en basse et contrebasse et surtout, surtout, l’étonnant pianiste Stéphane Vettraino, par de remarquables effluves jazz nimbant ce tour de chant. A la grisaille de ses cheveux, on devine que le public est venu retrouver le Matrat de Factory, de Cache ta joie. L’est pas déçu le public ! Le répertoire est certes différent mais le ton est le même, la posture rock identique, la fougue pareille, plus même. Même dans l’émotion, dans l’amour, quand le chanteur évoque « Mon père avec ses mains d’enclume / Ma mère avec ses yeux d’écume… » En chemise blanche pour entrer en scène, en chemise rouge non pour toréer mais pour évoquer l’ardente Barcelone (est-ce pareil ?), avec ses yeux écarquillés , ses mains ouvertes, ses bras tendus, ses pieds qui foulent et labourent cette scène, ces planches mises à mal de tant de force, Matrat nous fait encore une fois montre de son art, indompté, rebelle au delà des mots, libre comme des notes hors de portée. « Touche pas à ma guitare / J’viens d’y changer son string ! » : Matrat est le probable croisement de Brel et d’Higelin, fruit des amours coupables entre Jagger et Trenet, un fou qui nous console d’une chanson parfois trop sage, souvent trop fade. Qu’il nous revienne encore, toujours en récidive.
Le myspace d’Yves Matrat, c’est là.
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