Tue-Loup, un 9 neuf
Tout à coup, un titre vous happe, vous tire de votre torpeur. Qui fait que vous reprenez l’écoute au début de la chanson, puis logiquement au début du disque. « De beau matin j’ai rencontré / Une pie grièche / Tout au bout d’un bâton planté / Un clou dedans la tête… » : les folkeux de jadis auront reconnu Margot, de Malicorne. Là c’est Tue Loup qui le reprend, pas spécialement trad, mais aussi tourmenté, pareillement envoutant. Car tel est l’univers de nos sarthois de Tue-Loup, dont voici l’album 9 qui, faute de label, sommeillait depuis quelques temps dans les cartons. Toujours des mots dont l’agencement est grand mystère, lourds d’une étrange gravité : « Il faut sortir en silence / Sans faire crisser le gravier / Alléger le pied pour être / Au secret en partance / Et dans l’aube inachevée / L’effraie me tire sa révérence / Et tranche l’obscurité… » Toujours en pesanteur et paradoxalement en grande légèreté, planant dira-t-on avec sans soute raison. Toujours en recherche dans le dedans de la musique, dans la structure et la sculpture des mots. Tue-Loup n’est pas de la chanson au sens où nous la défendons ici, bien tracée, au carré : c’est une aventure intérieure, à la musique sourde, aux guitares saturées, « d’électricité matée » comme ils disent, en une calme harmonie qui souvent se gonfle de reliefs. Et des mots qui s’agrègent à une ambiance, la suscite, la structure en une formule moléculaire audacieuse, que nous ne connaissons plus vraiment. Car il n’y a que peu d’équivalents à Tue-Loup dans notre chanson. Bien sûr on parlera d’Ange et de Noir Désir, histoire de vaguement situer dans l’Histoire du genre. Le groupe de Xavier Plumas et Thierry Plouze cultive depuis huit albums cette singularité d’être ailleurs. Rien de nouveau en ce 9, si ce n’est la difficulté d’exister encore. Et l’exemplaire réussite d’un opus qui se savoure sans retenue, pour ce qu’il est et secrète, pour cette noirceur mélancolique qui imprègne, imbibe mots et notes, alchimie énigmatique nous questionnant sans relâche sur le vertige de nos vies. Passionnant.
Tue-Loup, 9, 2012, Dessous de scènes. Le site de Tue-Loup, c’est ici.
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