« Andante », le retour d’Alain Aurenche
« En fermant les yeux / Seulement / En fermant les yeux / Je revois une île / Avec son ciel bleu… » Sur le livret, Alain Aurenche pose face à l’Anse Du Guesclin et sa presqu’île, qui fut une des propriétés de Léo Ferré. Par le clin d’œil d’un cliché, le chanteur affiche ainsi l’illustre parenté.
Hors des enregistrements déjà anciens, tous en public (en 2003 au Forum Léo-Ferré, en 1996 au Théâtre Jean-Vilar de Vitry, en 1988 au TLP Déjazet), Alain Aurenche n’avait pas gravé de nouveau disque studio depuis L’amitié, en 1986, il y a plus d’un quart de siècle. Ce n’était alors que son deuxième album. C’est dire si la discographie de cet anar est rare, clairsemée, inversement proportionnelle à l’aura du chanteur. Et si ce présent opus est un événement : pour moins que ça, on vous mythifie. En d’autres religions, on vous canonise…
Aurenche est sans âge, cheveux aux vents, la ride qui vient au visage comme vient la vague au rivage. Sur cette photo comme dans la vie, il est comme roc, solide et indompté, à l’abri de l’usure du temps. A l’abri du vaste public aussi : « Je n’ai jamais su presser / Pour vous faire danser / Le tube condensé / Des grands « hit » français (…) Je n’ai jamais su tricher / Comme il faut tricher / Pour bien s’afficher / Et vous allécher.» D’un chanteur au poing levé qui n’a pas enregistré depuis longtemps, on aurait pu attendre des mots enflammés. Ils le sont mais autrement, andante. Ce disque inespéré n’est ni drapeau ni calicot, mais fondamentalement un disque d’amour, aux chansons souvent remarquables, au velouté d’une voix quelque peu éraillée, élimée : « Je ne t’appartiens pas / J’appartiens à l’amour / Des états éphémères / Aux printemps de toujours. » L’amour… même par la bouche de Nosferatu : en écoutant cette chanson juré qu’on imagine Adjani et Kinski tendrement enlacés… Ici de vieux mecs qui « reluquent une jeunette (…) Le garde à vous dans la braguette », là un jeune déjà meurtri : « Ne crois pas / Ne crois rien / Touche, Thomas / Touche du doigt / Cette blessure / Que fait l’amour. » Pour peu, ce disque ferait testament amoureux…
L’amour et, au gré du vent, quelques digressions. Comme celle à l’adresse d’un Mercenaire mort en terre étrangère sans avoir bien su pourquoi. Ou celle d’un chanteur titubant qui réussit « très fier / Des slaloms savants / Deux pas en arrière / Un pas en avant » et rencontre Leprest « qui navigue encore ». Cette autre au souvenir d’un marin ivre et mort : « Qui donc m’a raconté / Un jour, son triste sort / Est-ce le vin du sud / Est-ce le vent du nord ? ». Et ce Seigneur allemand, « hérissé de trophées sanglants », « que mal conseillait sa colère », épopée de carnages qui s’ébroue dans le sang.
C’est belle surprise, beau cadeau que cet album-là, à l’orchestration sobre et efficace (drums, percus, guitare et clavier). Un disque dont peu parleront, raison de plus pour le faire savoir.
Alain Aurenche, Andante, autoproduit, 2012. Le site d’Alain Aurenche, c’est là.
Prélevée à la toile, cette illustration très personnelle et sans doute trop appuyée de la chanson-titre de ce nouvel album, Andante. Le son de cette vidéo n’est pas terrible, dommage, mais la poésie de cette chanson surmonte sans mal ce handicap. http://www.dailymotion.com/video/xoub70
En fermant les yeux, et en ouvrant les oreilles, cette chanson est comme une vague qui vient mettre du sel sur les blessures et les apaiser en même temps . Je vais quitter une île, et quand je fermerai les yeux, durant le long hiver auvergnat, j’entendrai encore cette chanson et je reverrai cette île « avec son ciel bleu » …
Bonjour,
Excellente nouvelle mais… sauriez-vous où il est encore possible de se procurer ce disque ? Le site indiqué ne semble pas avoir été mis à jour.