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Gilles Dreu, 1934-2025

gilles dreu AlouetteAu bout du compte, que reste-t-il d’un chanteur dans la mémoire populaire ? Bien souvent qu’une ou deux rengaines qui, largement diffusées en leur temps en radios et télé, se sont incrustées dans nos caboches, y vont et viennent. Ainsi cette Alouette, très vague adaptation d’une chanson argentine - « la huella » de La perigrinación de la Misa criolla d’Arial Ramirez – qui déferla sur les ondes en 1968. Un air sud-américain (c’était alors très en vogue), devenue ode à la liberté, qui, même venu du show-business, collait si bien à ce vent de « révolution », d’écologie… Et voici que Gilles Dreu s’est fait un nom (un pseudo en fait, ayant piqué le nom de Dreux, sa ville natale), et une gueule et la taille de fort des halles avec cette grosse et noire moustache (« moustache et cigare à la Che Guevara » lit-on dans les gazettes) presque pour signature. De plus de soixante ans de chanson (de fin 1959 à 2024, ultime concert), seuls trois titres semblent s’incruster : Alouette et, plus modestement, Pourquoi bon dieu et Descendez l’escalier. C’est injuste pour une production évidemment bien plus importante (plus de deux cents titres enregistrés), qui plus est quand elle ne démérite pas, même si l’essentiel peut nous sembler configuré d’une autre époque, parfois presque d’avant la variété. Dreu (de son vrai blase Jean-Paul Chapuisat) débute comme nombre d’artistes d’alors dans les cabarets parisiens. D’abord au Tire-Bouchon où, semble-t-il, il impressionne par son interprétation du Quand on n’a que l’amour de Brel. Puis en d’autres et mythiques lieux de cette géographie de petites salles où sont nés de grands artistes : L’Échelle de Jacob, la Villa d’Este, la Colombe ou le Don Camillo… C’est en 1963 que sort son premier album, parallèlement à de petits rôles d’acteur tant au cinéma qu’à la télévision. Alouette, à l’origine destinée et refusée par un autre interprète (« toute ma vie a été un malentendu ! » avait-il confié en 2023 au micro d’Yvan Perey, pour la revue Schnock, ajoutant que ce titre « aurait pu passer inaperçu » mais que l’époque s’y prêtait), déploie ses ailes quelques années plus tard.

Le métier est cruel, les médias et les labels abandonnant leurs artistes à la moindre érosion de ventes ou d’audimat. Parfois, ces éconduits poursuivent tant bien que mal leur carrière en des salles municipales qui n’ont pas le faste des Olympia d’antan. C’est ainsi qu’en dehors de toute médiatisation, Gilles Dreu a poursuivi son itinéraire artistique, tant d’ailleurs qu’il sortit encore trois albums dans les années 2000, dont son ultime, Le Comptoir des amis, en 2020, dont la chanson-titre égrène le gratin d’une chanson à l’évidence sinon commerciale à tout le moins reconnue, médiatique, de ces médias où il ne pointait plus le bout de son nez, si ce n’est par bribes dans les vieilleries de la chaîne Melody ou, plus rarement, à Télé-Drucker. Aussi dans les croisières Age tendre, où des vacanciers aisés viennent rajeunir aux refrains, slows, jerks et cha-cha-cha de leur jeunesse perdue. On a vu aussi Gilles Dreu, avec Alain Turban et Jean Sarrus, deux encore plus oubliés que lui, se produire en 2017 dans le trio Les Vieilles Fripouilles, s’inspirant bien plus modestement de celui, Les Vieilles Canailles, alors formé par Eddy Michell, Johnny Hallyday et Jacques Dutronc.

Entre l’acmé de la chanson médiatique abonnée aux Zénith et la chanson « de paroles » aux petits festivals, il existe des tas d’autres réseaux de la chanson, presque souterrains, où parfois des idoles déchues poursuivent ce qu’elles savent et aiment faire : chanter. Dommage que NosEnchanteurs n’y ait jamais croisé Gilles Dreu, au répertoire estimable.

 

« Alouette » : Image de prévisualisation YouTube

« Pourquoi bon Dieu » : Image de prévisualisation YouTube

« Le Comptoir des amis » (avec Pierre Billon) : Image de prévisualisation YouTube

Une réponse à Gilles Dreu, 1934-2025

  1. Bruno Papin 9 janvier 2025 à 10 h 58 min

    Au dîner de la St Valentin 2024 de St Pierre du Chemin 85, il avait, comme chaque année depuis une décennie au moins, ambiancé et créé l’animation de sa chaleureuse présence, son dynamisme, son empathie et à la faveur de la puissance de sa voix. Il avait beaucoup d’amis au sein du comité des fêtes…
    Il gagne à être davantage écouté que seuls, les titres qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu.
    Adieu, l’ami !

    Répondre

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