Jean Guidoni « Il y a »
Il y a un paysage,
Il y a des gens, des visages,
Des gamins jouant sous le marché couvert
Des petites voisines et moi en Guy l’Éclair,
Il y a des paniers de framboises et de mûres,
Il y a comme un lointain murmure,
Il y a des ponts de Suresnes,
Il y a le cri des sirènes,
Un hôtel hostile et ses rideaux à fleurs,
Un homme qui lit en retenant ses pleurs,
Il y a des avions noirs qui s’élancent,
Il y a des amants faisant silence,
Il y a le sang courant sur la terre,
Il y a la mort battant des paupières
Jean Guidoni
Paroles Pierre Philippe, Musique Michel Cywie. Extrait de l’album « Je marche dans les villes » (1980)
Une chanson qui démarre avec des souvenirs d’enfance nostalgiques et qui devient de plus en plus tragique. Elle reste malgré tout douce au milieu de la crudité des autres chansons de l’album que Guidoni interprète avec toute la dramaturgie des Cabarets allemands tout en semblant naturel et d’une grande sincérité. Pause dans l’album, où l’on trouve aussi la plus belle chanson d’amour, exceptionnellement dédiée à une femme, Djemila, mais aussi la volontairement sulfureuse Chanson pour le cadavre exquis.
Un titre toujours très actuel, avec ses gamins jouant, ces paniers de framboises, mais aussi les chevaux couchés dans les trains de la mort, les mômes bradés au marché de l’amour, des indiens nus dans l’orage, la forêt que l’on saccage, l’oiseau blanc en plein naufrage dans l’océan qu’on outrage, Jésus couvert d’ecchymoses... Tout est là dans cet Il y a, entre innocence et souffrance, … « la menace de toute chose ».
Toutes les chansons de cet album de 1980 sont reprises, à l’exception du Voyage, dans le concert à l’Olympia 1981, premier CD de la très belle anthologie 5 CD d’EPM dont nous parlait Michel Kemper, qu’il vous faut vous procurer. Baptisée « Y’a un climat« , du nom de cette chanson coécrite avec Maurice Fanon (et toujours la musique de Michel Cywie), sortie en 1980 en 45 tours. Tout le talent de Guidoni dans cette chanson si poignante « Oh, y’a des jours d’avarie / À s’faire sauter la pompe à vie », pourtant chantée avec tendresse, qui m’avait tant secouée à Avignon en 2017.
Le plus grand chanteur interprète de mon époque, fin 20ème, début 21eme siècle !