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Stavelot 2024. Memento, en mode Modiano

Memento Photos ©EV Jean Lemaire

Memento Photos ©EV Jean Lemaire

Centre culturel de Trois-Ponts, « 1chanson peut en cacher une autre », 5 octobre 2024

 

Notre petit cœur avait fait boum boum. Pensez donc : 1chanson peut en cacher une autre ajoutait à son glorieux palmarès une des plus belles plumes de la scène actuelle, Dominique A himself ! Encore faut-il nuancer. Certes, c’est bien l’illustre chanteur que le plus beau festival de chanson française du monde et de Belgique accueille en ce samedi soir. Même que, notoriété de la vedette oblige, il a migré de sa traditionnelle abbaye vers le plus vaste Centre culturel voisin de Trois-Ponts. Mais le chanteur n’est pas venu nous interpréter son propre répertoire, mais bien nous présenter son projet hors-piste intitulé Memento, dans lequel il figure d’ailleurs sous son véritable patronyme, Dominique Ané, histoire de ne pas engendrer de confusion.

20241005 2064  Memento Dominique A © EV Jean Lemaire 490x326Memento, tel est donc le nom de ce groupe éphémère, qui réunit autour de la vedette nantaise son fidèle batteur Sacha Toorop, le contrebassiste Sébastien Boisseau et le pianiste Stephan Oliva. Ces quatre pointures ont uni leurs talents autour des textes de Jean François Mondot. Pas n’importe quels textes : l’auteur, par ailleurs journaliste, écrivain et critique de jazz, s’est en effet lancé dans la folle entreprise d’écrire des chansons bâties sur l’univers de Patrick Modiano. Selon ses dires, le but était de « distiller le brouillard de Modiano dans un format court » et de « capter le parfum de ses livres ». A charge pour Dominique A et ses comparses de retranscrire musicalement cette atmosphère. Après l’album paru en février 2024, voici donc la version scénique.

On sait que Patrick Modiano est par excellence l’écrivain de l’esquisse, du non-dit, de la brume et de la mémoire. Des chansons inspirées d’une telle œuvre ne peuvent être dès lors que des morceaux en demi-teinte, empreints de pudeur, de nostalgie et de volatilité. Proches en cela de nombreux titres de Dominique A, comme Au revoir mon amour ou L’océan, mais bien éloignés de son univers rock.

20241005 2057  Memento Dominique A © EV Jean Lemaire 350x350Memento évolue donc dans un monde ouaté de jazz élégant et aérien, juste traversé d’éclairs intermittents. Pas réellement de trame narrative dans ces chansons murmurées, mais des sensations, des traces de sentiments, des fragments d’existence. La 2ème guerre y est parfois évoquée (Tabarin 1942, La jeune fille à l’étoile), l’enfance prégnante (Epais brouillard, Au pensionnat), le souvenir omniprésent (Café de l’oubli, Prières à un bombardier saoul, L’agile danseuse, Passy 15-20).

Les morceaux s’enchaînent, sans trop de bavardage entre eux, parfois sans même laisser d’espace pour les applaudissements. Les orchestrations laissent une place prédominante au piano et donnent au chanteur l’occasion de nous charmer de son timbre de voix unique, quand il ne nous régale pas de ses chorégraphies personnelles, mélange de taï-chi et de danse contemporaine.

En guise de rappel nous est offerte une lecture de quelques pages de L’herbe des Nuits, afin que chacun s’imprègne de la petite musique des mots de l’écrivain. Le groupe rejoue alors La brume et la nuit, évocation vaporeuse de souvenirs liés à l’Occupation, titre où l’on retrouve les thèmes soulevés dans le passage du livre. Une manière d’éclaircir la démarche artistique et de nous donner envie de partir à la découverte de l’œuvre du Prix Nobel de littérature.

Memento est un spectacle exigeant. Il demande que l’on s’y abandonne sans retenue, au risque aussi de s’y emmerder un peu (osons le mot !). C’est en tout cas une démarche audacieuse de Dominique Ané, qu’il convient de saluer. Merci au festival stavelotain de nous avoir permis de vivre l’expérience.

 

EN PREMIERE PARTIE

 

Mathias Bressan Photos ©EV Jean Lemaire

Mathias Bressan Photos ©EV Jean Lemaire

L’ouverture de la soirée était assurée par le belge Mathias Bressan, déjà programmé à Stavelot en 2018. Il nous revient avec son nouvel album sous le bras, Ballades pour mon chien noir. Titre étrange, en référence – nous a appris le chanteur – à Winston Churchill, qui nommait ainsi ses fréquents états dépressifs.

20241005 2035  Mathias Bressan © EV Jean Lemaire 350x350Et c’est sûr que l’on a déjà vécu prestation plus joyeuse. De la chanson introspective qui ouvre le jeu (L’enfant gâté prend le micro / Et pour une heure se met à nu) à celle écrite dans un appart’ moche de Montréal sous la neige, l’ambiance n’est guère à la fête. Dans une formule minimaliste (une basse et des percussions), l’artiste nous a offert un concert tendu mais malheureusement renfermé sur lui-même, sans réelle ouverture vers l’autre. Des chansons concises, sans fioritures, souvent absconses, que l’on adorerait aimer si leur auteur nous en donnait l’envie, nous ouvrait largement la porte de son monde plutôt que de l’entrebâiller.

Pour l’avoir déjà applaudi, on sait que Mathias Bressan, même dans la période artistiquement sombre qu’il semble traverser, est capable de nous emporter, de nous partager son univers. On en regrette d’autant plus cette occasion manquée.

 

Le site de Dominique A, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Le site de Mathias Bressan, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

Memento, Bande-Annonce 2023 Image de prévisualisation YouTube
Memento, « Rêve d’Italie », Maison de la Poésie 2024 Image de prévisualisation YouTube

Mathias Bressan, « Ballade pour mon chien noir » enregistrement au Botanique 2024 Image de prévisualisation YouTube
Mathias Bressan, « Les archers », session studio 2023 Image de prévisualisation YouTube

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