Allain Leprest « J’ai peur »
De la pointe de son canif
Le manteau bleu de la jeunesse
La chair et les baisers à vif
J’ai peur de ta peur dans ma main
L’oiseau-lyre et le poisson-lune
L’éclair, pierres du chemin
Le mur des lendemains qui chantent
Du ventre lisse où je me hisse
Et du drap glacé où je rentre
J’ai peur
Allain Leprest (3 juin 1954 – 15 août 2011)
Paroles Allain Leprest, Musique Jean Ferrat. Extrait de l’album « Mec », 1986
Enregistré à la Fête de l’Humanité en septembre 2010 donnée en la mémoire de Jean Ferrat, compositeur de la chanson.
C’est certainement la chanson qui m’impressionne le plus de Leprest, si tant est qu’on puisse en choisir une parmi tant.
Enregistrée dans son premier album alors qu’il n’avait que 32 ans, il la chante alors sur un tempo beaucoup plus rapide, rythmé, avec une espèce de rage, la voix encore très claire, comme un défi à la vie. Plus le temps passe, plus elle ralentit et devient dramatique, écoutez-la à Grenoble en 2000 . Il est ici comédien tragique. En 2002, en concert « Je viens vous voir », l’interprétation est plus sobre, forte et intériorisée, tandis que le piano de Jean-Louis Beydon bat la chamade, et le public marque un temps d’arrêt avant d’applaudir. Enfin à La Courneuve, en même temps que le souvenir de Ferrat, ce sont les derniers temps de sa vie propre qui défilent, sur le piano fidèle de Nathalie Miravette : la voix cassée, les yeux froncés, le vent agitant ses cheveux, accroché à son micro, éperdu d’émotion, il vit sa peur au plus profond, une petite année avant qu’il ne renonce à vivre. Il avait d’abord interprété On était pas riche, du même album, puis Le pull-over en duo poignant avec Clarika, avec tellement de vérité.
La chanson J’ai peur a été reprise par de nombreux interprètes, Karim Kacel, Jean Guidoni, Pierre Paul Danzin, Guy Rombaux, Janick Bouchoucha, Marion Cousineau, Alain Nitchaeff ; Alain Withier a choisi de lire le texte, choisissant de le dédramatiser, de même que Jehan ou Edward Perraud. Chacun fait sienne cette chanson si profonde liée à l’essence même de la vie et de la mort.
trop dur, trop beau … un rien bien !