Venelles vingt ans de chanson : Fines notes pour Fines gueules
8 juin 2024, Venelles, MJC Allain Leprest, salle Joséphine Baker de l’Étincelle,
Nous ne savions pas, lors de cette soirée ô combien festive qui clôturait la belle saison 2023-2024, et célébrait en même temps les vingt ans de la chanson française à la MJC, les évènements perturbants qui allaient suivre.
Montée de l’extrême-droite aux élections européennes, suivies de l’annonce imprévue de la dissolution de l’Assemblée Nationale, d’élections préparées en urgence, de la grande peur du raz de marée de l’extrême droite, du soulagement de cette chambre introuvable, du patinage sur place qui a suivi, et de l’enchaînement immédiat avec les festivals d’été et les Jeux Olympiques. Quasi deux mois se sont passés sans trouver le temps de rendre compte de ce concert particulièrement réussi, qui a su plaire aux amateurs de chanson, à ceux d’humour, aux gourmets de mots et de mets, sans oublier les gouleyantes gorgées de vins fins et de musiques raffinées.
Gérard Morel aime les rencontres d’artistes auxquels il fait bonne chère (visage), la chair émouvante qu’il célèbre avec sensualité et tendresse, mais aussi les nourritures du corps mitonnées au coin du feu. Qu’il s’accompagne de sa clique, des fidèles du Café du Canal ou de sa Guinguette des Fines Gueules, capable de chanter Riffard, Perret ou Ricet Barrier tout autant que Leprest, il sait mettre la chanson à sa sauce et ses amis ne la gâtent pas, mais en tirent fumets exquis. Sa guinguette tourne ainsi au plaisir des dames et des messieurs depuis plusieurs années, et il a assez d’ami.es artistes pour en renouveler sans cesse l’intérêt. Dîner-Concert, concert dîné, dégusté, bu jusqu’à la lie, à vous de l’apprécier en fines gueules que vous êtes. Avec toujours le pilier Hervé Peyrard aux guitares et à la scie musicale, des habitués comme Françoise Chaffois à l’accordéon et Ludovic Chamblas à la batterie; et des amies du cercle proche de Gérard Morel, piliers de la chanson française : Michèle Bernard (avec ou sans son accordéon) et Amélie-les-Crayons (avec ou sans son piano), toutes deux engagées en mots, en musique, en scène et dans la vie. Un grand spectacle musical, théâtral et convivial. Coup de chapeau à Vincent Cathalo au son et à Julie Berthon la multi-éclairante à la lumière, aux techniciens de la salle et tous les bénévoles.
Nous sommes placés dans la grande Salle Joséphine Baker installés autour de tables rondes dans une atmosphère de noces, celles de la chanson et de la convivialité devant un apéritif. Comme il se doit c’est Fiona Hutin la présidente qui rappelle l’histoire de la MJC, les vingt ans de l’activité chanson initiée à l’origine par Bruno Durruty, l’accueil de tous les artistes dont rend bien compte l’exposition des photos de Nicolas Blanchard dans la salle adjacente, l’amphithéâtre de la MJC proche de la Mairie où nous avons tous tant de souvenirs, et le récent transfert dans la splendide médiathèque de l’Etincelle et ses deux salles.
La soirée s’est enchaînée en trois parties (plus les rappels), séparées par la dégustation du repas fin provençal et les discussions entre convives, ce qui permet d’apprécier aussi bien les mets en bouches que ceux pour les yeux et les oreilles. Gérard Morel n’est-il pas un éminent croqueur de mots, lui même auteur de plusieurs titres – on commencera par le végétal – Des rumeurs et des doutes quant aux fruits et légumes « On dit qu’avec un p’tit radis on peut monter au paradis », mais bien sûr aussi Le régime de l’amour « De cinq à sept, Fruits ou légumes par jour », qu’Isabelle Haas et Thibaud Defever ne savent comment cuisiner dans Les perroquets du Périgord « y a un truc que j’comprends pas / Réserver les poivrons / Déglacer les oignons / Débiter les p’tits pois / Ça veut dire quoi, déjà? », chanté par Peyrard, ou en final le Vive la Caillette comme une chanson trad, faisant le tour de toutes les spécialités culinaires françaises en honorant d’abord l’Ardèche. En rappel on ne saurait oublier le Cantique en toque, chanté en chorale avec tous les bénévoles, qui rend hommage à tous les saints qui patronnent nos sacrées bouteilles, de Saint Pourçain à Saint-Yole. Divin !
Parmi les autres auteurs interprètes, on retrouvera Hervé Peyrard et sa Miss tâches, aussi charmante que mauvaise ménagère, Le chewing-gum mâché en chorale, créé à l’origine avec avec Chtriky dans « Zèbre à trois » pour jeune public, et la chanson qui a donné son titre au spectacle, chantée par tous les artistes. Ou Amélie-les-crayons, son thé au jasmin, sa fève à laquelle semblent répondre les haricots de Vincy pour Francis Lopez, sa faim cannibale… Michèle Bernard n’est pas en reste avec la fable surréaliste du petit asticot dévorant sur les rayons de la bibliothèque L’Education sentimentale, le cantilène du Duc de Gourmandise à la manière des dames d’antan et pour se désaltérer, l’ouzo de Vassilis Kaimos * « Mais l’ouzo, je ne l’ai pas bu / Y rime à rien sans soleil / J’ préfère rêver aux îles grecques », occasion pour le public de taper très fort dans ses mains et pour Michèle de parodier drôlement Nana Mouskouri. Elle dansera même Le tango de Claudette, celle « qui sourit derrière ses côtelettes / Et se moque bien des ragots », indifférente aux vicissitudes des rues mal famées, chanson toujours fraîche de plus de quarante ans…
L’exploration du vaste répertoire culinaire de la chanson française permet encore de danser avec ce cher Frantz (Guy Béart) – par Gérard et Amélie – ou sur la Java sans modération de Gilbert Laffaille, hymne au « rouge pas farouche / Qui roule bien dans la bouche, ni trop mou ni trop vert » qui échoit sans surprise à Gérard et de twister sur Les cornichons de Nino Ferrer. Le repas est servi avec en chœur L’Hymne à l’asperge, chanson comique grivoise des années 30, Où va le vin quand il est bu, de Leprest/Pierron – qui se devait d’être chanté en ces lieux qu’il parraine - chanté en trio Amélie/Hervé/Gérard en rappel, et pour le dessert La recette du Cake d’amour romantiquement interprétée par Amélie et Hervé, tandis que Les sucettes de Gainsbourg ravissent le goût des doubles-sens de Gérard.
Les régimes traités par l’humour ne seront pas oubliés avec Je mange d’Oldelaf, solo de Chamblas ou Maigrir de Sanseverino, ou l’extraordinaire Six roses popularisée par Annie Cordy qui donne l’occasion à Françoise Chaffois d’exprimer toute sa sensibilité derrière la drôlerie apparente de la situation « Les roses il faut les arroser ». Redoutables effets des excès de boisson, même si Michèle Bernard nous chante avec sagesse et délectation Les petits plaisirs du jour de Dimey, qui refusent les diktats. Restons dans l’amour et la convivialité avec la tendre Chez Jeanne de Brassens, qu’Amélie-les-Crayons et Michèle Bernard font découvrir à certains de ma table, qui n’en connaissaient que La cane…
* nostalgie, chagrin
Le site de Gérard Morel, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Le programme 2024-2025
7 septembre 2024 Vaslo
19 octobre 2024 Hélène Piris
16 novembre 2024 Jack Simard
11 janvier 2025 Buridane
01 février 2025 Belles & Brutes (ex Têtes de Linette) – Paris-Varsovie (Ewunia)
08 mars 2025 Yvan Marc & Frédéric Bobin
26 avril 2025 Gyslain.N
24 mai 2025 Lise Martin
07 juin 2025 Petit duo pour grand écran (Sylviane Simonet et Vincent Trouble)
Détails sur le site de la MJC de Venelles
« Le chewing-gum », Hervé Peyrard-Chtriky, 2011
« Vassilis Kaimos », Michèle Bernard, Fay sur Lignon, 2010
« Hymne à l’asperge », configuration collective 2015
« Cantique en toque », 2020
Rétrolien La Guinguette des Fines Gueules - Allain Leprest MJC de Venelles