Sur Bashung et cet ultime live…
Dernières heures de scène, dernières heures de vie. La rumeur nous avait instruit, bien sûr, de l’état de l’artiste, de cette âpre lutte contre la maladie. Combat de titans, qui aurait le dernier mot ? On s’en est allé le voir en concert, on s’est est allé le voir en cancer. Chaque soir, il n’était pas encore sur scène que l’émotion était comme indéfinissable, irréelle, mais étrangement palpable. « Car chacun vaque à son destin / Petits ou grands / Comme durant les siècles égyptiens / Péniblement »… Il arrivait, comme la veille, comme le lendemain sans doute, seul au milieu d’un rai de lumière, baigné dans le sombre, le col de la chemise bien relevé, la chapeau engoncé, taisant ainsi au mieux, sobre pudeur, la maladie qui le bouffait. « Je suis un indien, je suis un apache / Auquel on a fait croire / Qu la douleur se cache ». Jamais je ne saurai oublier ce concert de Bashung, beau comme il n’est pas permis. Pas en raison de renfort de techniques ni de musiciens, non. Beau d’une rare proximité, comme si le chanteur était relié à chacun de nous, la voix branché sur nos tripes, en notre palpitant. Comme si cette voix bientôt éteinte était ce Graal toujours cherché, jamais trouvé. La fin de la Quête, début d’une autre…
Un double cédé live, Dimanches à l’Élysée, vient de sortir, qui tente de nous restituer un instant de l’ultime tournée, celle qui ne fut jamais achevée. Déception. Je ne retrouve pas ce halo puissant et poisseux, cette force énigmatique liant pareillement chacun des spectateurs à l’artiste. Sur ce disque, le son est étrangement, désagréablement métallique. On n’y retrouve vraiment que le déroulé du concert, dans l’ordre exact si ma mémoire est bonne. Mais pas plus. Était-ce le son ? Avons-nous à ce point été trompés, captés, captivés au point de ne plus entendre autre chose que la voix de Bashung ? La nuit je mens… Je préfère réécouter sans faim, sans fin, Fantaisie militaire, L’Imprudence ou Bleu pétrole. Et tenter, dans mes souvenirs, de retrouver le sens et le son. De toujours tenter de percer le mystère Bashung, sans, par bonheur, jamais réussir.
Alain Bashung, Dimanches à l’Élysée, 2 CD, 2009, Barclay
Dans un précédent article, j’annonçais prématurément la sortie de L’Homme à tête de chou, par Bashung, b.o. de l’actuel spectacle de danse de Jean-Claude Gallotta. Pan sur le bec, il n’y aurait pas de disque en vue…
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