Jolie môme de la rue…
16 juin 2024, Festival Résonance[s], salle Daquin à La Ricamarie,
Hasard ou prémonition, en pleine campagne express de ces législatives incertaines, le Festival Résonance[s] (qui chaque année fête l’anniversaire de la fusillade du Brûlé du 16 juin 1869*), a invité la Compagnie Jolie Môme. Notons que La Ricamarie est la seule grande ville de la Loire à n’avoir pas donné le RN en tête il y a une semaine ; une telle programmation, fixée pourtant de longue date, y sonne d’une rare cohérence.
Elles et ils sont dix, formant sur scène un tableau mouvant, politiquement émouvant : une fresque révolutionnaire actuelle qui tient tout autant d’un intemporel spectacle de music-hall. Je ne sais ce que les médias entêtés qui voient abusivement de l’extrême-gauche partout où il y en a pas forcément, diraient de cette Compagnie : ils n’en parleraient pas, sauf en des termes haineux sur la presse bollorisée.
Ce spectacle se nomme À Contre-courant : si les sinistres augures se révèlent vrais, il le sera d’autant plus dans les mois à venir. Il tient autant d’un fidèle état des lieux de notre sous-France, des luttes menées et à venir que d’un programme politique. Le tout en chansons, faut-il préciser… « Lutter pour l’égalité / Ça, c’est pas décalé / Les deux pieds bien ancrés / Dans la réalité / On va rien lâcher. »
Toutes et tous vêtus de rouge et de noir, avec toujours un d’eux à agiter, façon vigie, un grand drapeau rouge, ils font étalage de nos maux. Si vous ne les connaissez pas encore, pour vous en faire une idée, pensez à Christian Paccoud, vous n’en serez pas loin : même force cette fois-ci par dix voix, même empathie, même beauté démultipliée.
Tout est tiré de l’actualité, les mots ne viennent pas d’ailleurs. Dans leurs vers sont gravés les souvenirs honteux de présidences successives, de lois d’exception, de restrictions de libertés, de reconduites à la frontière… Jolie Môme nous remet en mémoire et en perspective heurts et malheurs de notre République. Mieux encore, leur chant est analyse dans la pertinence des propos sans nullement nuire à la qualité des rimes.
Si le propos est grave, la musique est toujours joyeuse, rythmée qui parfois appellerait presque à la danse s’il y avait de la place : mais la salle est bondée comme rarement, d’une assistance vieille mais d’un électorat résolu, combatif. De gauche.
Si Jolie Môme écrit ses chansons, nos dix mutins font aussi appel à d’autres plumes qu’eux. Ainsi Pablo Neruda (« Ils peuvent empêcher les fleurs de pousser / Ils n’empêcheront pas le printemps d’arriver… »), Jacques Prévert (sa terrible Chanson dans le sang tirée du spectacle du groupe Octobre lors du précédent Front Populaire) et Sans la nommer, cette chanson de Georges Moustaki qui appelle la « révolution permanente », seul titre où le public, la connaissant, a pu participer à ces chants de lutte, public particulièrement galvanisé, vous pouvez vous en douter…
Après un spectacle haut en couleurs où certes le rouge prédomine, on repart avec plein de bribes, de musiques, de slogans dans la tête, qu’on ressortira dans quelques jours, à la prochaine manif, car « C’est dans la rue qu’ça passe ! »
On me reprochera de ne pas tout rapporter, tout relater de cette comédie musicale adroite et très à gauche, ce « meeting chanté », mais c’est impossible, car trop foisonnant. A vous désormais d’aller à leur rencontre : saluez-les de ma part !
Le site de la Compagnie Jolie Môme, c’est ici.
* Le au lieu-dit « le Brûlé » à La Ricamarie près de Saint-Etienne, l’armée tira sur la population locale et tua quatorze civils, après l’arrestation d’un groupe de mineurs grévistes.
Chaque année, depuis 2006, la Compagnie Jolie Môme autoproduit un festival artistico-politique dans le petit village de Saint-Amant-Roche-Savine, dans le Puy-de-Dôme. Ça se déroulera du 25 au 28 juillet 2024.
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