Valérie Mischler, médecin de l’âme aux remèdes anisés
17 mai 2024, Festiv’en Marche, Mouhet (36),
Drôle de récital que celui-ci. C’est, de ce magnifique observatoire qu’est un bar-auberge de campagne, une belle brochette, galerie de personnages hauts en couleurs même si le rouge qui tache prédomine sur le nez comme sur les joues. Des gens souvent en souffrance, en espoir aussi même si c’est ténu, fragile : de ces êtres qui vont au café comme d’autres au confessionnal, sauf que le contenu des burettes est plus varié, les crus de bien meilleure qualité. Valérie Mischler a effectivement, quelques saisons durant, été cette artistôlière, qui sert les verres, les essuie au fond du café, et tente en même temps d’« apporter » la Culture en territoire rural, un peu comme une missionnaire au projet généreux mais vain…
Les verres se cognent et les êtres trinquent. C’est cette faune souvent de gueules cassées, d’handicapés de la vie, de victimes de trop ou de trop peu d’amour, qu’elle nous décrit, avec l’affection de la confidente, de l’assistante sociale qu’elle fut malgré elle, de ce médecin de l’âme aux remèdes anisés. Avec compassion.
Valérie a recouvré son métier d’artiste et nous restitue un peu de ces consommateurs par ses chansons, toutes ou presque antérieures à ce récent passé de patronne de café mais, hasard ou destinée, jamais éloignées comme si ces chansons et ces âmes avinées devaient se rencontrer, si les unes annonçaient les autres et vive-versa. Versa dans les verres, les vers aussi. Autant vous dire que ce concert est singulier, pour certains peut-être déroutant, dérangeant. Mais Mischler ne toise pas ses anciens clients du haut de sa condition d’artiste, ne les exhibe pas comme un cirque ferait de ses freaks : par sa narration, ses chansons, elle en prolonge le souvenir, les errements et déambulations, la sincère émotion. On peut boire ses mots – la limonadière fait dans la qualité, ses cépages sont bons – à leur santé il va de soi.
En l’écoutant, on ne peut se retirer de la tête le souvenir de Piaf qui, dans ce café, a « bien trop à faire pour pouvoir rêver ». Mischler elle, prolonge cette expérience, non par le rêve, mais par sa possible traduction en chanson. On ne sait si les clients se sont retrouvés dans ce regard certes d’une grande humanité mais sans fard, comme un photo-reportage sur pellicule sensible qui accentue les traits et ravive les douleurs…
Le répertoire de Mischler va d’une certaine idée du cabaret (n’est-elle pas l’une des plus épatantes interprètes de Bernard Dimey qui soit ?) à une soyeuse et séduisante variété. Deux musiciens avec elle sur scène, l’un au chromatique (Thierry Bretonnet) l’autre à la guitare (Xavier Rubin). Et quelques sons en boîte : des percussions par ci, des ambiances de café par là.
De l’évocation d’un homme qui pleure, à la vie qui n’en est pas une de femme-cougar, Valérie Mischler fait dans le criant de vérité. Dans l’absolu tragique aussi quand, par Tu ne rentreras pas ce soir, elle nous parle de ce Bataclan meurtrier…
Étrange spectacle, drôles de tronches, miroirs tendus à ce que nous sommes, cette « Indomptée » de Mischler (c’est tant le titre du spectacle que celui de l’album paru chez EPM) peut séduire, peut déranger aussi : il coche les deux cases. En tout cas ne peut laisser indifférent : n’est-ce pas ce qu’on attend d’une telle propositions culturelle ?
Le site de Valérie Mischler, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
« Qu’aurait-il fallu ? » :
« Au bistrot d’la mère Yvonne » :
« Tu ne rentreras pas ce soir » :
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